Mathus
Sous le format sympathique et rassurant du livre de poche, cette brève étude critique des problèmes de la démographie, qui part des théories de Malthus pour aboutir au cri d’alarme du Club de Rome, est très intéressante à bien des égards.
Elle situe avec beaucoup de précision et de relief le personnage, assez extravagant dans sa rigueur intellectuelle et son conformisme moral, du pasteur Malthus, et replace dans le contexte d’un pays – l’Angleterre – et d’une époque – les toutes dernières années du XVIIIe siècle – l’enchaînement d’idées qui l’a conduit à formuler la célèbre théorie qui porte son nom. Bien que celle-ci ait été presque aussitôt et radicalement démentie par les faits – elle ne s’ajustait ni à l’ère industrielle, ni à l’explosion démographique des débuts du XIXe siècle Malthus a été, dès la première parution de l’Essai sur le principe de population installé dans une position de monstre sacré de la science démographique, position qu’il n’a pas encore perdue – loin de là – de nos jours, pour autant que nulle étude dans cette discipline ne saurait débuter autrement que par le démontage précautionneux de toute une série de mécanismes explosifs à retardement dont on découvre qu’avait été truffé son ouvrage.
Mais, ainsi dépouillé de l’accessoire et du contingent, on s’aperçoit que le malthusianisme consiste en dernière analyse à assigner une limite à l’expansion. « Malthus a désigné l’obstacle que dresse, à très longue échéance, notre monde fini à une double progression économique et démographique ». Seulement l’obstacle, aujourd’hui, n’est pas celui que pressentait Malthus. Il n’est pas dans l’impossibilité de réaliser un équilibre entre la « rareté » des substances et la capacité multiplicatrice de notre peuplement. Il faut le chercher dans l’environnement, qui ne peut résister à une pression démographique sans cesse accrue. Il n’est plus question du Tiers-Monde ; ce sont les États-Unis eux-mêmes qui réalisent depuis peu ce que représente « le poids insensé de la consommation ». C’est « la ponction des ressources du monde entier et la perspective de leur épuisement par une infime minorité de l’humanité » qui sont en jeu.
Ainsi, nous rejoignons les réflexions du Club de Rome qui a découvert que « l’écologie a remis au point aujourd’hui la pensée de Malthus ». ♦