De Paul Reynaud à Charles de Gaulle
Alfred Sauvy est un maître incontesté comme sociologue aussi bien que démographe et philosophe de l’économie politique. Or voici qu’il se révèle aussi à son aise qu’avec les nombres du statisticien lorsqu’il prend la palette du portraitiste ou la plume du chroniqueur.
Certes, il nous conte bien ici les heurs et malheurs d’un Institut de statistiques, mais il nous entretient aussi et surtout de ceux qui en ont trop souvent négligé les avertissements. Il apparaît bien en effet que De Paul Reynaud à Charles de Gaulle, l’auteur de ces pages, prophète de malheur pour les uns, futurologue inspiré pour les autres, ait prêché dans un désert d’ignorance et de non vouloir. Du perchoir du stylite, il est fort heureusement descendu pour dévisager ses adaptes ou ses détracteurs. Il en résulte une suite fort savoureuse d’esquisses joliment colorées sans jamais être caricaturales et autant d’anecdotes prestement troussées. Nous rencontrons là des hommes politiques et non des moindres – le titre nous le dit bien – mais aussi des personnages insolites tels que Tristan Bernard et Jacques Tati. Il est vrai qu’Alfred Sauvy est un amateur de mots-croisés et nourrit une passion pour le théâtre où il nous avoue avoir joué. Quant au rôle qu’il tient sur la scène politique, il est peut-être celui d’un censeur qui fouaille ceux qui ne veulent pas entendre, mais il est surtout celui d’un homme clairvoyant pour qui informer est un devoir sacré, quel que soit l’inconfort qu’il y ait à peindre de sombres devenirs et le danger pour un augure à trouver les signes défavorables.
L’on apprend beaucoup dans ce livre, mais en souriant. La rareté du fait vaut qu’il soit cité. ♦