Du mensonge à la violence
Ce petit volume contient quatre essais consacrés à des problèmes politiques d’actualité aux États-Unis et dans le monde. L’auteur est professeur de philosophie, d’origine allemande, réfugiée en France, puis en Amérique, pour échapper au régime hitlérien. Elle est un des « maîtres à penser » de cette très nombreuse « intelligentsia » américaine (et même plus généralement anglo-saxonne) qui s’intéresse activement aux problèmes de l’évolution politique des sociétés, guette un peu partout dans le monde les moindres signes d’une révolution imminente, analyse les discours de Brejnev, compte les virgules dans le texte des conférences de presse de Nixon, essaye de pénétrer le véritable contenu du black power ou du « pouvoir étudiant », assiste à des colloques, envoie des lettres aux journaux et signe des pétitions. Ce foisonnement d’idées donne lieu à une importante littérature, parfois d’une très haute tenue intellectuelle, comme ici c’est le cas.
La trame qui sert de support aux réflexions de Hannah Arendt est constituée par quelques événements récents. Les documents du Pentagone sur la guerre du Vietnam (rapport McNamara) révélés par la presse américaine en 1971, lui permettent de développer le thème du mensonge en politique, sujet sans aucun doute inépuisable, mais qu’elle limite sagement à l’administration des États-Unis. L’objection de conscience et les campagnes de Martin Luther King l’incitent à réfléchir à la désobéissance civile et à l’éventualité, logiquement défendable, de la faire reconnaître par la Constitution. Les mouvements étudiants et leur répression fournissent la trame du troisième essai : sur la violence. Dans le quatrième essai : « Politique et révolution », l’auteur se demande, entre autres, si un système politique viable pourrait résulter d’un refus simultané du capitalisme et du socialisme.
Sur tous ces sujets, l’information de Hannah Arendt nous frappe par son ampleur et sa diversité. Fort heureusement, son vocabulaire est simple, accessible à tous, sans recours aux innombrables néologismes qui rendent souvent hermétiques tant d’ouvrages produits par d’autres éminents spécialistes des sciences sociales modernes. Par contre, le plan de chacun des essais nous a paru un peu décousu et sans rigueur : on a parfois de la peine à démêler un fil conducteur dans cet écheveau foisonnant de réflexions pertinentes. ♦
(1) L’édition française a été établie d’après le texte anglais et ne mentionne malheureusement pas le nom de l’excellent traducteur.