Histoire du Front populaire
Prenant place à la veillée d’armes électorale, la Gauche française unie par un programme et dans l’intention affichée de le respecter, semble avoir assorti les éléments dépareillés de son adoubement.
Le livre de Jacques Delperrie de Bayac vient fort à propos nous rappeler – mais l’avions-nous oublié ? – que cet événement n’a pas le privilège de l’inédit. Il serait toutefois bien hasardeux de prédire au « Rassemblement des forces démocratiques » de 1972, le destin qui fut celui du Front populaire. La conjoncture qui en a permis la formation était, à tous égards, exceptionnelle et, n’en déplaise aux tenants de la périodicité historique, l’on ne voit pas qu’elle puisse se reproduire dans l’instant du scrutin à venir. Bien que souffrant d’inflation, la France n’est pas à la veille d’une débâcle économique : les hordes nazies ne la menacent plus : l’URSS n’a plus ses angoisses d’isolée et la ligne Maginot a été avantageusement remplacée par la dissuasion nucléaire. Il est vrai qu’il y a eu « une vague de Mai ». Elle offre une certaine similitude avec celle de 1936 en ce qu’elle a surpris par son amplitude ceux-là mêmes qui l’avaient soulevée. Mais ni l’une ni l’autre n’ont été vraiment la manifestation d’une volonté révolutionnaire.
La France, nous dit-on ici, malade de guerre et de vieillesse, a cru trouver une thérapeutique à sa sénescence. Le Front populaire ne pouvait être une panacée. Malgré la tonicité sociale des accords Matignon, « il n’a pu juguler la crise et c’est d’avoir échoué qu’il est mort ». En effet, s’il n’a pas transformé la condition ouvrière, il a changé profondément les conditions de vie des travailleurs. Il a fait éclore dans bien des domaines des idées et conçu des projets qui ont été réalisés ou qui sont aujourd’hui de pleine actualité. Mais, nous dit Jacques Delperrie de Bayac : « Les Français se sont payé le luxe d’une crise sociale grave et d’une expérience économique malheureuse dans le temps même où, de l’autre côté du Rhin, on fabriquait à tour de bras des chars d’assaut, des canons et des avions. Le Front populaire des « deux Léons » est-il responsable du désastre de 1940 ? Non, affirme l’auteur. On l’accuse d’avoir été belliciste alors qu’il a manifestement manqué de pugnacité devant les prétentions de l’Allemagne. A-t-il été antipatriotique ? Pas davantage. N’a-t-il pas donné la priorité aux crédits militaires sur les grands travaux dont on espérait miracle alors que l’armée elle-même se satisfaisait de son obsolescence ?
La silhouette de Léon Blum domine toute cette période de notre histoire avec cette sorte de hauteur qu’il conservait avec les siens et que l’on peut sans doute lui reprocher d’avoir gardée avec les événements. En tous les cas, pour ce qu’il a fait et surtout pour ce qu’il n’a pas réussi à faire, il ne méritait pas la haine que lui vouaient ceux qui n’avaient rien à proposer qu’un catalogue d’invectives. Ce grand bourgeois israélite, humaniste et doctrinaire, a été un socialiste convaincu, un homme d’État plus soucieux du bien public que de la reconnaissance de la Nation. La suite des événements lui a prouvé qu’à en attendre il eût manqué de clairvoyance.
Livre à lire par tous ceux qu’intéresse l’aventure politique du XXe siècle, parce qu’il se lit sans peine, parce qu’il est une étude complète d’un moment déterminant dans l’évolution sociale de notre pays, parce qu’il reste objectif tout en étant passionné.
Livre à méditer par les chalands du prochain marché électoral où parmi tant de remèdes propres à tout guérir il faudra se garder de l’orviétan. ♦