The Dutch Navy at War [La Marine hollandaise au combat]
Paru à Londres au début de 1945, avant la fin des opérations contre l’Allemagne, le petit livre du Lieutenant-Commander Kroese présente un intérêt historique certain. Avant de se livrer à des considérations stratégiques, aujourd’hui périmées, sur les moyens d’abattre le Japon, l’auteur, qui commandait le contre-torpilleur Kortenaer, torpillé le 27 février 1942, au cours de la bataille de la mer de Java, y étudie, en effet, avec talent l’action de la Marine des Pays-Bas dans la bataille de mai 1940, puis dans celle des îles de la Sonde, de décembre 1941 à mars 1942. L’impression qui ressort de ce récit simple et clair, est que la Marine hollandaise de 1940 a été une digne continuatrice des glorieuses escadres des Tromp et des Ruyter. Après avoir lutté désespérément pendant quatre jours contre le flot envahisseur des forces blindées allemandes, la Marine hollandaise se retire le 14 mai 1940 sur l’Angleterre, et, dès le 1er juin, elle reprenait le combat.
Rien n’était perdu : il restait encore à la Hollande son empire colonial où, dès 1939, plus de 170 000 tonnes de bateaux de l’Axe avaient été saisis. En 1940 et 1941, c’est à Java que les Hollandais décidèrent de reformer le noyau de leur marine de guerre. L’École navale fut réouverte à Sourabaya et, grâce au loyalisme de la population, des forces maritimes importantes purent être reconstituées.
Au moment de l’agression japonaise, la flotte hollandaise comprenait, ainsi, 3 croiseurs légers, 6 destroyers et 12 sous-marins, ainsi qu’une petite force aérienne, manquant complètement de chasseurs. La flotte anglaise d’Extrême-Orient (2 cuirassés, 1 croiseur lourd, 5 croiseurs légers, 8 destroyers) et la flotte américaine d’Asie (1 croiseur lourd, 2 croiseurs légers, 13 vieux destroyers et 27 sous-marins) vinrent se joindre à elle dès le mois de décembre.
Mais ils manquaient « d’yeux » aériens, fonçaient en aveugle, et allaient, régulièrement, se jeter dans la gueule du loup. Leurs opérations offensives se trouvèrent réduites à des opérations de nuit toujours très hasardeuses, ou à des attaques de jour désespérées.
Devant l’avance irrésistible des Japonais vers le Sud, le 1er janvier 1942, l’amiral américain Hart, commandant en chef les forces navales alliées, constitua, sous le commandement du contre-amiral hollandais Dormann, une « force d’attaque » dont la mission principale fut de s’opposer aux débarquements japonais. Dans cette mission de sacrifice, l’amiral hollandais se révéla un chef d’un courage et d’une énergie extraordinaire. Malgré l’infériorité manifeste de sa flotte, pilonnée sans arrêt depuis le 3 février dans le port de Sourabaya par les bombardiers japonais basés à Célèbes, il n’hésita jamais à rechercher le combat. Le 15 février, jour de la capitulation de Singapour, la force d’attaque, partie à la recherche des convois nippons, restait pendant douze heures sous le feu des avions ennemis entre les îles Banka et Billiton. Par miracle, aucun navire n’était touché. Mais aucun résultat tangible n’était obtenu.
Le 19 février, Dormann attaque de nuit les convois japonais à l’ancre devant Bali. Attaque magnifique où il coula plusieurs transports, au prix de pertes assez lourdes. Et, peu à peu, sa flotte fond sous les coups des avions ennemis, tandis que l’étreinte se resserre autour de Java ; après Bornéo, Sumatra, Banka, Bali et Timor sont occupés. Et, le 25 février, les Japonais commencent à débarquer sur la côte nord de la « perle de l’Indonésie ». Dormann réunit ses dernières forces, soit 5 croiseurs et 9 destroyers. Sans aucun renseignement précis, il va croiser dans la mer de Java pour aller à la recherche du convoi d’invasion ennemi et essayer de le couler. Les hommes savent qu’ils ne reviendront pas ! Ils partent néanmoins fièrement et le 27 février, c’est l’héroïque bataille de la mer de Java, où les Japonais jouant avec Dormann comme le chat avec la souris, réunissent toujours, grâce à leur supériorité aérienne et à leurs avions de reconnaissance, à placer leur flotte entre les Alliés et le convoi.
Après un combat magnifique qui dure de 16 heures à 23 h 45, les croiseurs De Ruyter et Java, les torpilleurs Kortenaer, Jupiter et Elektra furent coulés. Dormann mourut en héros sur son navire amiral. Le jour même, les bombardiers japonais avaient coulé à Tjilalap, sur la côte sud de Java, le vieux porte-avions Langley, qui amenait aux Alliés les chasseurs qui auraient pu changer la face des choses. Le 28 février, les croiseurs Houston, Exeter et Penh, les destroyers Evertsen, Encounter et Pope étaient coulés à leur tour. Seuls, quatre destroyers américains réussissaient à gagner l’océan Indien. Java était perdue. L’ouvrage se termine par le récit anecdotique du voyage de la princesse Juliana, d’Angleterre au Canada, à bord du croiseur hollandais Sumatra, en juin 1940. Tous ceux qu’intéresse la guerre navale liront donc avec fruit l’œuvre du lieutenant Commander Kroese.