A Guide to Naval Strategy
L’auteur de ce petit livre, se défend modestement d’être un professionnel et d’avoir écrit pour des professionnels. Il n’a voulu qu’instruire le public éclairé américain du rôle joué par la puissance navale à l’époque moderne, et spécialement dans la Seconde Guerre mondiale ; faire connaître à chacun les différents instruments de cette puissance, du navire de ligne à la mine sous-marine, leurs possibilités et leurs limites ; décrire, dans la variété de leurs manifestations, la notion de maîtrise de la mer et les avantages qu’une telle maîtrise procure pour la défense de la navigation commerciale et les opérations combinées.
N’eût-il pas d’autre utilité, l’ouvrage de M. Bernard Brodie mériterait d’être traduit en français : non seulement parce que l’intérêt porté par la masse de la nation à la marine est un des principaux artisans de son développement, mais – le conflit qui vient de finir en offre plusieurs exemples – parce que les réactions d’une opinion mal avertie risquent parfois de peser fâcheusement sur la conduite de la guerre. Néanmoins la lecture de ce livre se recommande même à des spécialistes. Ayant vécu longtemps dans la flotte américaine, au contact de ses chefs et de ses états-majors, M. Bernard Brodie peut passer à bon droit, auprès de nous pour un écho de leurs pensées et de leur attitude d’esprit. Son refus de considérer le bâtiment de ligne comme périmé, encore qu’il accorde une place prédominante au porte-avions – sa répugnance pour tout schéma (autant il y a de peuples, de conjonctures politiques ou économiques et de théâtres de guerre différents, autant il doit y avoir de stratégies) –, sa défiance à l’égard des panacées, particulièrement en ce qui concerne les innovations matérielles, le jugement réservé qu’il porte sur la « stratégie de la Task Force, imposée, dit-il, par les circonstances et non pas universellement valable », reflète certainement dans une large mesure les sentiments communs des milieux maritimes américains.
Ajoutons que cet ouvrage n’est pas seulement un traité didactique : fondé sur une documentation concrète aussi exacte qu’elle pouvait l’être en 1944, quand les sources officielles d’information étaient pour la plupart inaccessibles, il se présente aussi, à plus d’un titre, comme une histoire des opérations navales, aéronavales et amphibies pendant les cinq premières années de la dernière guerre.