Octobre 1946 - n° 029

Galilée, ayant inventé sa lunette, s’empressa d’en tirer monnaie en l’offrant comme instrument de guerre à la République de Venise. Il donnait à ses amiraux le moyen de voir à distance les vaisseaux de leurs adversaires avant que d’être vus. Ainsi, les progrès scientifiques ont bien souvent servi la guerre avant de servir la paix et nous ne nous étonnons pas d’apprendre que le premier appareil imaginé par l’homme pour porter plus loin son regard, devint presque aussitôt un instrument guerrier. Instrument bien inoffensif, diront certains, et qui a fait à l’humanité moins de mal que la poudre à canon. Est-ce bien sûr ? et s’est-on jamais avisé de peser avec précision le degré de nocivité des découvertes scientifiques ? Lire les premières lignes

  p. 435-452

On a, de tout temps, attribué aux guerres un certain nombre de causes. Parmi celles-ci on a toujours fait une place importante aux causes démographiques. Ce sont surtout les Grecs qui ont le plus nettement exprimé cette thèse. La théorie de la guerre par surpeuplement est classique depuis Hérodote et Polybe. À plusieurs reprises, Thucydide indique que le chômage, d’une part, et la nécessité de ravitailler la trop dense population, de l’autre, imposèrent à l’État athénien la politique d’expansion à tout prix, qui devait aboutir aux désastreuses guerres du Péloponnèse. Il souligne des traits résultant de cette situation qui lui paraissent significatifs. C’est ainsi qu’à Athènes, la surabondance de main-d’œuvre était telle, au début de cette guerre, que les citoyens étaient heureux de trouver à s’engager comme rameurs sur les galères. À Rome, l’accroissement de la population transforme les plébéiens, petits propriétaires ruraux, en prolétaires, qui refluent vers les villes, y deviennent un élément de désordre, et appuient toujours de leurs votes les tendances belliqueuses, car ils voient dans la guerre le seul moyen d’améliorer leur situation. Ils attendent que les conquêtes leur apportent des concessions de terres, éternel espoir des anciens paysans ruinés. L’épisode des Grecques, puis la politique de Marius, sont particulièrement représentatifs de ce genre de situation. Lire les premières lignes

  p. 453-467
  p. 468-481
  p. 482-497

La dangereuse maladie dont souffre notre pays depuis plusieurs années est incontestablement notre paralysie, notre anémie extrême. Un ouvrage récent de Fourastié et Monté, l’Économie française, montre notre retard inquiétant sur les autres pays. En France, 7 millions de travailleurs nourrissent une population d’une quarantaine de millions d’individus. En Amérique, 8 millions environ seulement suffisent pour nourrir une population plus de trois fois plus nombreuse. Même état de choses pour l’industrie : l’efficience de l’ouvrier américain est de 3 à 6 fois celle de l’ouvrier français. Or il est un fait : c’est que la vie, et la vie d’une nation en particulier, est caractérisée, matérialisée, peut-on dire, par la somme des œuvres créées. La vie c’est la création perpétuelle. C’est une lutte contre la nature, contre le temps. Qu’est-ce que la mort, son antithèse, sinon l’absence de mouvement et de changement, c’est-à-dire l’absence de création ? Lire les premières lignes

  p. 498-505
  p. 506-516
  p. 517-531

Chroniques

  p. 532-536
  p. 536-542
  p. 542-547
  p. 547-553

Les délégués des vingt-et-une puissances ont poursuivi, soit en commissions, soit en séances plénières, l’examen des projets relatifs aux cinq traités de paix. Ce travail eût été plus rapide et plus positif si l’on avait pu éviter, ou tout au moins circonscrire, la polémique qui continue d’opposer les représentants des États slaves à ceux des pays anglo-saxons. Certaines attaques personnelles, presque violentes, et qui n’avaient avec les traités qu’un rapport lointain, jettent une ombre fâcheuse sur la Conférence de Paris. Par contre, il convient d’inscrire à son actif l’accueil attentif qu’elle a réservé aux délégués des États satellites de l’Axe et à ceux des puissances intéressées au règlement des problèmes concernant ces États. Les représentants les plus qualifiés de l’Italie, de la Hongrie, des pays balkaniques et de la Finlande, ceux de l’Autriche, de l’Égypte et de l’Albanie ont eu tout loisir d’exposer leurs points de vue et de défendre leurs intérêts. On ne pourra pas qualifier de Diktat les traités issus d’une aussi large discussion. Les vainqueurs ont donné audience aux vaincus ; ils ont écouté ceux qui, demeurés hors du conflit, pourront néanmoins être touchés par les conventions à intervenir entre vainqueurs et vaincus. Cette procédure fait honneur aux sentiments de justice et de probité qui animent la Conférence et marque un progrès sensible sur celle qu’avaient adoptée les puissances de l’Entente après la première guerre mondiale. Lire les premières lignes

  p. 553-559
  p. 560-564

Bibliographie

Raymond Escholier : Maquis de Gascogne  ; Éditions du Milieu du Monde, 1945 ; 354 pages - Edmond Delage

La collection « Documents d’aujourd’hui », publiée par les Éditions du Milieu du Monde, a demandé à Raymond Escholier une histoire du Maquis de Gascogne : elle est aussi émouvante qu’une épopée, aussi attachante qu’un roman d’aventures. L’auteur nous entraîne dans le Gers et l’Ariège, dans les pays gascons d’Armagnac et Couserans. Il y a vécu, semble-t-il, pendant la crise même, et a enquêté depuis l’Andorre et la frontière d’Espagne, jusqu’au front de l’Atlantique. Grâce à lui, nous voyons agir et lutter, à côté des Gascons d’Henri IV et de Foch, une foule généreuse et bariolée d’Alsaciens, de Lorrains, de Parisiens, de Bretons, de Normands, de Flamands, de Picards, de Rhénans et de Sarrois fraternellement mêlés dans la lutte clandestine. Lire la suite

  p. 565-565

Jacques Maily : La normalisation  ; Librairie Dunod, 1946 ; 472 pages - Edmond Delage

C’est un ouvrage considérable que vient de publier la librairie Dunod, sous la signature de M. Jacques Maily, sur la Normalisation. Pendant longtemps, cette dernière est apparue simplement comme une branche technique de l’organisation du travail, et un petit nombre de spécialistes seulement y consacraient leurs efforts. Or, son intérêt n’est pas uniquement décisif pour les fabricants ou les usagers des produits auxquels elle s’applique ; son importance est capitale pour l’économie générale du pays. À ce titre, le livre de M. Jacques Maily devrait être lu par tous ceux qui, à un échelon suffisamment élevé, travaillent industriellement à l’efficacité de la défense nationale et à la prospérité de l’économie française. Lire la suite

  p. 565-566

Relman Morin : Premier round au Pacifique  ; Éditions Calmann-Lévy, 1946 ; 324 pages - Edmond Delage

Le livre de Relman Morin – Circuit of Conquest – intelligemment traduit de l’anglais par Hélène Claireau, fournit un nouvel exemple du grand journalisme de reportage anglo-saxon qui fait si cruellement défaut à notre pays. Où trouver, en effet, des journaux assez puissants, assez riches, pour envoyer, pendant des mois entiers, un plénipotentiaire en Extrême-Orient, pour lui laisser une liberté de mouvements quasi totale et ne lui imposer d’autres consignes que celles d’envoyer à temps des dépêches sur les événements importants qu’il constate ou devine, et de dire, en des articles pleins de franchise et d’humour, ce qu’il tient pour la vérité ? Lire la suite

  p. 566-567

Bernard Brodie : A Guide to Naval Strategy  ; Princeton University Press, 1944 ; 314 pages - A. R.

L’auteur de ce petit livre, se défend modestement d’être un professionnel et d’avoir écrit pour des professionnels. Il n’a voulu qu’instruire le public éclairé américain du rôle joué par la puissance navale à l’époque moderne, et spécialement dans la Seconde Guerre mondiale ; faire connaître à chacun les différents instruments de cette puissance, du navire de ligne à la mine sous-marine, leurs possibilités et leurs limites ; décrire, dans la variété de leurs manifestations, la notion de maîtrise de la mer et les avantages qu’une telle maîtrise procure pour la défense de la navigation commerciale et les opérations combinées. Lire la suite

  p. 567-568

Médecin général Constant Mathis : L’œuvre des pastoriens en Afrique noire  ; Puf, 1946 ; 580 pages - Edmond Delage

Dans la réussite magnifique des coloniaux français, médecins et pharmaciens tiennent une place éminente et le médecin général Constant Mathis, ancien directeur de l’Institut Pasteur de l’Afrique occidentale française (AOF) a eu grandement raison de leur élever un imposant monument. Ce livre ne contient pas moins de 572 pages à la gloire des disciples de Pasteur répandus dans nos colonies africaines. Lire la suite

  p. 568-568

Il n’est pas possible d’analyser ici, comme ils le mériteraient, les petits fascicules publiés périodiquement sous la rubrique « Questions d’Aujourd’hui », par les Éditions du Chêne, à Paris. Nous tenons, cependant, à en souligner l’opportunité et l’intelligence. L’idée qui a présidé à la naissance de cette publication est heureuse. Comme la presse n’a pas la possibilité, par suite de la disette de papier dont elle souffre, d’exposer avec assez d’ampleur les nombreux et graves problèmes qui se posent quotidiennement, la direction des Éditions du Chêne a eu l’idée de fournir, en une trentaine de pages, des fascicules d’un maniement facile, le complément d’information nécessaire. Lire la suite

  p. 568-569

Marcel Reinhard : Bonaparte en Italie  ; Librairie Hachette, 1946 ; 312 pages - Edmond Delage

C’est une très heureuse idée, qu’a eue M. Marcel Reinhard a qui nous devons déjà un Henri IV ou la France sauvée, fort estimable que d’exploiter une série de lettres inédites du « citoyen J. Sulkowski, aide de camp du général Bonaparte ». Il s’agit, en réalité, de bien autre chose que de la simple édition, même savamment commentée, de documents inédits. M. Marcel Reinhard a, en effet, très habilement enchâssé ces lettres et, en réalité, nous a donné une histoire vivante, et fort agréablement écrite, de la célèbre campagne d’Italie. Lire la suite

  p. 569-570

Collectif : L’Énergie atomique et la politique américaine  ; Librairie Hachette, 1946 ; 111 pages - Edmond Delage

Le Centre Européen de la Dotation Carnegie pour la paix internationale a publié, dans un bulletin de 111 pages de sa section « Conciliation internationale », une brochure intéressante consacrée à l’énergie atomique, à son contrôle dans l’avenir et à la politique des États-Unis. Elle est précédée par une introduction de M. Nicolas Murray Butler. Ce petit livre comporte deux parties, des déclarations officielles du président Truman, du secrétaire de la Guerre aux États-Unis Henry L. Stimson, et des déclarations non officielles, l’une de M. Harold C. Urey du 21 octobre 1945 : l’atome et l’humanité, l’autre de M. Harold C. Stassen : de la guerre à la paix, du 9 novembre 1945, la troisième de M. James T. Shotwell : le fonctionnement et les amendements de la Charte, du 11 novembre 1945. Lire la suite

  p. 570-570

Gaston Bouthoul : Cent millions de morts  ; Éditions du Sagitaire, 1946 ; 225 pages - Edmond Delage

Au sortir de ces cinq années de guerre, on est étonné et même un peu humilié de constater la résignation qui paraît régner en cette matière. Alors qu’après 1918 un grand espoir de paix soulevait l’Humanité, l’opinion générale semble aujourd’hui admettre le caractère inévitable de la guerre et s’attendre à de nouveaux conflits, dont elle se hâte de désigner les protagonistes. M. Gaston Bouthoul attribue ce découragement au fait que nous en avons toujours agi trop présomptueusement vis-à-vis de la guerre. Alors que dans toutes les sciences on sait que la connaissance des phénomènes ne nous est pas offerte avec facilité, mais ne peut être atteinte qu’au terme de recherches patientes, les hommes ont toujours discuté des guerres et de leurs causes comme s’ils en avaient une intuition directe et miraculeusement exacte. Il est temps, dit l’auteur, que nous prenions conscience de cette situation et que, écartant toutes les idées préconçues, nous nous résignions à voir dans les guerres un phénomène social encore inexploré. Lire la suite

  p. 570-571

Général Arlabosse : La division de Fer dans la Bataille de France  ; Éditions Charles-Lavauzelle, 1946 ; 105 pages - Henry Freydenberg

Le général Arlabosse présente le récit des opérations de la 11e Division d’infanterie entre le 10 mai et le 25 juin 1940. La « Division de Fer » quitte Nancy à la mobilisation et occupe sa position de couverture sur la Sarre. Elle participe à l’avance dans le secteur de la IVe Armée, puis retraite sur la ligne Maginot suivant les ordres du commandement. Retirée du front au moment de la percée allemande sur la IXe Armée, rassemblée au sud de la forêt de Compiègne, elle est engagée sur l’Aisne à l’Est de Compiègne sur un grand front. Aussi bien à Compiègne que dans les villages de l’Aisne, elle se défend âprement. Obligée de se replier, elle échappe à l’encerclement en sauvant son matériel et occupe une partie du secteur du GMP où elle résiste encore, infligeant à l’ennemi de grosses pertes. Lire la suite

  p. 571-572

Émile Moussat : L’Âme des camps de prisonniers  ; Éditions Charles-Lavauzelle, 1946 ; 357 pages - Edmond Delage

Au moment où paraissent tant d’études sur les camps de prisonniers et de déportation de la dernière guerre, il n’est pas sans intérêt de relire, dans sa nouvelle présentation, un des ouvrages qui ont le mieux évoqué l’atmosphère des camps de prisonniers de celle de 1914-1918. Il est dû à Émile Moussat, président des « Médaillés militaires », maître distingué de l’Université française qui, par son héroïsme et son abnégation, a, dans le camp où il incarnait l’esprit de résistance, assuré l’évasion de tant de ses camarades. Lire la suite

  p. 572-572

Sir Giffard Le Quesne Martel : Our Armoured Forces [Nos forces blindées]  ; Éditions Faber and Faber, 1945 ; 406 pages - C.

Dès l’apparition du char en 1916, le général Martel devint un apôtre convaincu de l’arme blindée. Il reproduit en annexe de son livre Our armoured forces un rapport prophétique écrit par lui sur le front des Flandres en novembre 1916, et un article paru en 1927 dans le Cavalry Journal, où il alarme avec force la nécessité, pour une nation moderne, de posséder une armée cuirassée. Lire la suite

  p. 572-573

Pierre Dublanc : Ce n’est qu’un avion moderne  ; (préface de l’amiral Barjot) ; Éditions J. de Gigord, 1946 ; 139 pages - Edmond Delage

Le petit livre excellemment illustré que vient de publier l’éditeur Gigord donne, à l’usage de la jeunesse, toutes les notions nécessaires pour se rendre compte de la rapide et foudroyante évolution de l’avion dans les quarante dernières années. Le contre-amiral Pierre Barjot, dans une brève et suggestive préface, fait remarquer comment l’espace atmosphérique est, pour des véhicules rapides, un domaine limité par la compressibilité de l’air, un domaine clos par le « mur » de la vitesse du son. L’hélice ne permet pas de le franchir et le réacteur s’impose pour pénétrer dans le domaine des vitesses supersoniques. Cet avion de demain, avion à réaction sans hélice et sans ailes, sera pourtant l’héritier de l’avion moderne du type 1945, qu’il est essentiel de connaître, grâce à une publication de la qualité de celle présentée par Pierre Dublanc.

  p. 573-573

Revue Défense Nationale - Octobre 1946 - n° 029

Revue Défense Nationale - Octobre 1946 - n° 029

Il n'y a pas d'éditorial pour ce numéro.

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