Bonaparte en Italie
C’est une très heureuse idée, qu’a eue M. Marcel Reinhard a qui nous devons déjà un Henri IV ou la France sauvée, fort estimable que d’exploiter une série de lettres inédites du « citoyen J. Sulkowski, aide de camp du général Bonaparte ». Il s’agit, en réalité, de bien autre chose que de la simple édition, même savamment commentée, de documents inédits. M. Marcel Reinhard a, en effet, très habilement enchâssé ces lettres et, en réalité, nous a donné une histoire vivante, et fort agréablement écrite, de la célèbre campagne d’Italie.
L’intérêt même des lettres de Sulkowski est considérable. C’était à la fois un beau tempérament militaire et une intelligence séduisante que ce Polonais amené par le hasard, et la faveur de Joséphine, à seconder l’illustre vainqueur d’Arcole et de Rivoli. Tel fut, même, l’éclat de son action, que de mauvaises langues vont jusqu’à insinuer que Bonaparte, jaloux et inquiet d’une éventuelle concurrence, aurait sciemment envoyé le jeune et brillant Polonais se faire tuer dans un guet-apens en Égypte. Quoi qu’il en soit, les lettres elles-mêmes sont riches de pénétrantes observations sur l’organisation de l’armée, sur les combattants d’Italie, qui ne furent pas toujours impeccables, sur la politique italienne et pontificale, et sur l’action même de Bonaparte et de ses lieutenants. De ce style très vif émane comme un parfum stendhalien, et on ne s’étonne plus autant du mot fameux de Carnot au sujet de Sulkowski : « Si nous avions perdu Bonaparte, voilà le jeune homme qui serait capable de le remplacer ».