Visages de l’Islam
De plus en plus, les pays musulmans et les grandes voies intercontinentales, terrestres, maritimes et aériennes, qui passent par les terres de l’Islam, deviennent des éléments essentiels dans le jeu diplomatique des grandes puissances. Les destinées de l’Europe et du monde dépendent, dans une large mesure, de l’issue des âpres compétitions qui se livrent dans le bassin oriental de la Méditerranée et dans le golfe Persique. Aussi, une meilleure connaissance des choses de l’Islam s’impose-t-elle d’une manière pressante, non seulement aux hommes politiques, mais à tous ceux qui veulent se faire une opinion personnelle sur l’évolution du monde nouveau en gestation.
Le livre de M. Haïdar Bammate satisfait admirablement ce desideratum. Il contient une véritable somme de connaissances nécessaires pour se familiariser avec la doctrine religieuse de l’Islam, ses valeurs spirituelles et artistiques. Il donne une idée générale des aspirations morales, politiques et sociales des peuples qui constituent aujourd’hui la communauté du monde musulman. En une remarquable synthèse, l’auteur brosse une large fresque de l’Islam depuis son apparition jusqu’à nos jours. Il passe en revue les siècles de splendeur et ceux de décadence de l’Empire musulman, explique les raisons de son ascension vertigineuse, recherche les causes de sa décadence, pour arriver ensuite à la description des principaux mouvements modernes de rénovation.
Mais il est un thème principal, qui donne à l’œuvre son unité et relie en un tout ses multiples aspects : c’est la croyance de l’auteur en l’unité fondamentale des civilisations qui ont rayonné sur les bords de notre mer intérieure et forgé un certain type humain. « Malgré la diversité des races et des langues, écrit M. Haïdar Bammate, les peuples qui ont puisé à la source de la civilisation méditerranéenne ont, dans l’essentiel, un même sentiment religieux, observent la même attitude devant Dieu et devant les problèmes fondamentaux de la vie et de la mort. En dépit des différences de formes et des nuances dans la sensibilité, ils ont pour point de départ des religions monothéistes analogues à une même morale individualiste et universaliste. Fondée sur la croyance à l’immortalité de l’âme individuelle, cette morale prolonge l’homme au-delà de sa destinée terrestre, affirme sa dignité, sa liberté, sa responsabilité. Elle fait de lui la mesure de toute chose et commande le respect de sa personnalité aux autres hommes. » Après avoir rappelé l’autre source philosophique de cet humanisme, l’auteur déclare : « Ces idées spiritualistes et humanistes sont le plus grand des trésors que le monde occidental et le monde de l’Islam possèdent en commun… trésor dont l’avenir paraît singulièrement menacé par un matérialisme agressif qui étend de plus en plus son ombre sur le monde. » Et il conclut : « Malgré les divergences historiques, malgré les oppositions politiques, dans l’ordre supérieur de la pensée et de la morale, le monde de l’Islam et le monde occidental restent étroitement liés. » On ne saurait mieux dire.