La vérité sur l’Armistice
La Revue a déjà rendu compte (juillet 1945) de la première édition de cet ouvrage, instrument de travail précieux pour les historiens de l’armistice de 1940 par la somme de documents qui s’y trouvaient cités, analysés ou intégralement reproduits en annexe. Le faisceau des preuves apportées par l’auteur donnait à sa thèse une valeur singulièrement persuasive, en dépit de l’ardeur combative avec laquelle il la soutenait comme de la résolution franche et parfois véhémente avec laquelle il prenait parti. Mais il va de soi que, posant en principe que le devoir d’impartialité l’obligeait simplement à raconter les faits avec la plus scrupuleuse exactitude sans lui interdire de juger, le cas échéant, les acteurs du drame avec une sévérité impitoyable, il était tenu de justifier cette sévérité par une information de première main exceptionnellement sûre et abondante.
La seconde édition de la Vérité sur l’armistice représente, à cet égard, un progrès considérable sur la précédente : non seulement l’utilisation des souvenirs de nombreux personnages consulaires a permis à M. Kammerer de remanier son texte sur de multiples points de détail, de le bourrer de notes et de références qui manquaient dans la première version ; mais les annexes se sont enrichies de plusieurs documents capitaux : les procès-verbaux des discussions de Rethondes ; les Lord Gort’s dispatches ; deux notes du ministre Baudouin (dont l’une, en date du 10 octobre 1944, a conduit M. Kammerer à retoucher, sur la question cruciale du sort de la flotte, son récit de la séance tenue par le Conseil suprême le 13 juin 1940) ; la correspondance échangée entre Vichy, Saïgon, Tokyo et Washington au sujet des affaires d’Indochine de juin à septembre 1940 ; enfin les trop fameux accords des 27-28 mai 1941 concernant l’emploi éventuel par l’Allemagne de nos bases impériales.
Si, dans l’ensemble, le complément d’information dont a pu disposer M. Kammerer ne modifie pas ses conclusions, relevons que les appréciations portées par lui sur MM. Reynaud et Chautemps sont plus nuancées qu’auparavant. Par contre, il témoigne une sévérité accrue à l’endroit du général Weygand, en qui il voit, par exemple, le principal artisan de la fidélité à Vichy des représentants de la France en Afrique et au Levant. Peut-être les historiens appelés à utiliser ce livre regretteront-ils que M. Kammerer n’ait pas eu accès, comme il le désirait, aux archives de la guerre et de la marine : leur connaissance l’aurait éclairé sur plusieurs points demeurés pour lui obscurs, comme les vicissitudes de la collaboration franco-britannique à Dunkerque ou les opérations contre l’Italie, dont il ne manquera pas de remanier le récit (cf. p. 106) au vu des documents officiels qu’il ne lui a pas encore été loisible de consulter.