Dialogue avec un colonel
Il s’agit du deuxième et avant-dernier volume des souvenirs d’André Zeller, dont le premier volume, Dialogue avec un lieutenant, avait été analysé dans le numéro de décembre 1971 de notre Revue. Le procédé choisi par l’auteur et qui consiste à entrecouper le récit du tout jeune gradé de la guerre 1914-1918 ou, ici, de l’officier supérieur de la guerre 1939-1945, par des répliques de son alter ego devenu général, est cette fois moins abondamment utilisé. Il n’y a pas lieu, à notre avis, de s’en plaindre, car l’ouvrage – et nous pensons surtout au premier volume – vaut par la spontanéité et la franchise des impressions notées sur le vif, plus que par les réflexions prudentes et rarement inattendues de « l’ancien ».
Ceci dit, les souvenirs de ce deuxième volume se rapportent essentiellement à quatre épisodes de guerre : la campagne de 39-40 sur le front français, la campagne de Tunisie, la campagne d’Italie, et la libération du Sud-Est de la France après le débarquement en Provence. C’est de loin le deuxième de ces épisodes qui retient le mieux l’attention du lecteur. Comme chef d’état-major de la division de marche d’Alger (la division sans doute la moins bien équipée, mais de ce fait même la plus représentative, parmi les grandes unités françaises formées à la hâte pour reprendre coûte que coûte le combat), le commandant Zeller a vécu la campagne de Tunisie très près de la troupe, partageant toutes ses difficultés et ses privations, mais restant en mesure de se faire une idée d’ensemble du déroulement des opérations et d’apprécier le rôle – rarement aussi bien mis en lumière – qu’y jouèrent les troupes et le commandement français.
La campagne d’Italie est beaucoup mieux connue. Le témoignage du colonel Zeller, affecté à l’État-major du Corps expéditionnaire (CEF), recoupe nombre d’autres récits, sans apporter d’éléments véritablement nouveaux.
Sur un point cependant, il nous touche. Il s’agit de l’évocation, empreinte d’une ferveur et d’une admiration qui frappent chez un homme aussi mesuré dans ses propos que l’est d’habitude Zeller, de la personnalité du général Juin. Zeller a été profondément impressionné par l’intelligence de l’homme, son sens tactique, son courage physique et moral, et la sollicitude humaine qu’il manifeste à l’égard des combattants.
Encadrant ces deux épisodes, les deux campagnes de France sont traitées plus succinctement. Dans l’une, comme dans l’autre, la participation de Zeller fut celle d’un technicien : régulateur des mouvements par voie ferrée dans la première, organisateur de concentration d’artillerie dans la seconde. Au cours de ces périodes, il est donc moins près des hommes et aussi moins attentif aux événements extérieurs. L’intérêt et la valeur de son témoignage s’en ressentent. ♦