Le monde chinois
Un pareil ouvrage ne se résume pas, et, appartenant à la collection « Destins du monde » (créée par Lucien Febvre et dirigée depuis sa mort par Fernand Braudel) il n’a pas à être loué. Il est une histoire du monde chinois des origines à nos jours. Il rassemble des faits qui s’étendent sur trois millénaires et demi et qui permettent d’expliquer la Chine d’aujourd’hui, incompréhensible dans sa formidable dimension historique. Jacques Gernet présente ses transformations successives et il rend sensibles les liens qui, à chaque moment, ont existé entre société, formes politiques, économie, techniques, religions, vie intellectuelle.
Il souligne l’importance des relations qu’ont entretenues les pays chinois avec les civilisations du Moyen-Orient, l’Inde, l’Islam, l’Asie du Sud-Est, l’Europe médiévale, l’Amérique du XVIe siècle et l’Occident moderne. Sans les apports constants des autres parties du monde, la Chine ne serait pas aujourd’hui ce qu’elle est, mais sans la Chine le monde moderne ne serait pas non plus ce qu’il est. L’importance de la Chine ne se limite pas au nombre de ses habitants. La civilisation chinoise a été l’inspiratrice d’une très large partie de l’humanité, lui donnant son écriture, ses techniques, ses conceptions de l’homme et du monde, ses religions et ses institutions politiques. Pays de peuplement chinois, Corée, Japon, Vietnam font partie de la même communauté de civilisation. Mais l’influence de la Chine a rayonné bien au-delà : chez les populations turques, mongoles et toungouses de la Mongolie et de l’Altaï, en Asie centrale, au Tibet et dans toute l’Asie du Sud-Est. Elle a touché aussi des pays plus lointains, l’Occident, qui lui a emprunté jusqu’à nos jours sans le savoir…
Aussi bien une histoire qui remet en question les schémas traditionnels n’a donc pas pour seul avantage de révéler les profondes mutations qu’a connues le monde chinois, l’originalité de ses expériences, les liens entre le passé et le présent : elle met en lumière la solidarité des civilisations et elle montre la nécessité, pour comprendre le monde d’aujourd’hui, d’une histoire universelle, qui ne fasse plus de celle de l’Occident le principe et la norme de toute l’évolution de l’humanité. ♦