La mort d’un roi. La vérité sur l’assassinat d’Alexandre de Yougoslavie
Deux journalistes ont pu reconstituer heure par heure à l’aide de témoignages, de documents officiels et de dossiers secrets l’ensemble des événements touchant à ce que l’on a pu considérer comme le Sarajevo de la Seconde Guerre mondiale : l’assassinat, le 9 octobre 1934 à Marseille, par les oustachis d’Ante Pavelitch, du roi Alexandre de Yougoslavie et de Louis Barthou, alors ministre français des Affaires étrangères. Le second n’était pas visé : sa mort renforça la signification et aggrava les conséquences politiques de celle du roi. C’est tout un pan de l’histoire européenne qui s’éclaire. Sans doute est-il intéressant d’apprendre comment l’attentat lui-même a été organisé par les irrédentistes croates contre « le roi serbe », comment les services de sécurité négligèrent les informations qu’ils reçurent, comment l’organisation matérielle de la réception laissait le champ libre aux assassins, comment Louis Barthou mourut d’une blessure qui, en soi, n’était pas mortelle, etc.
Mais, plus encore, ce sont les origines et les conséquences politiques de l’événement qui sont ici parfaitement mises en lumière. Contre le danger allemand, Louis Barthou pensait que l’Italie, inquiète à propos de l’Autriche, était prête à une alliance. Mais, voulant aller au-delà d’accords bilatéraux, il souhaitait une « politique des pactes » : un « Locarno de l’Est » groupant, sous l’égide de la France, l’Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Pologne, la Tchécoslovaquie, peut-être même l’URSS, et, après le Pacte balkanique que la France avait favorisé, un « pacte oriental » entre elle, l’Italie et les États de la Petite Entente. La Yougoslavie était sur le point de se rallier à cette idée. C’était compter sans Berlin et sans Rome, où les oustachis trouvaient aide, subsides et refuge. Le procès des complices de l’assassin (celui-ci fut tué sur place) mit en lumière cette complicité.
Dès le lendemain des obsèques du roi Alexandre, Goering fit une première tentative pour obtenir de Belgrade un renversement des alliances de la Yougoslavie, et un rapprochement avec le IIIe Reich. La mort de Louis Barthou provoqua un remaniement ministériel à Paris : Pierre Laval s’installa au Quai d’Orsay et entreprit immédiatement un rapprochement avec l’Italie. La politique française se modifiait cependant que la mort d’Alexandre et l’accroissement de la force allemande affectaient profondément les bases sur lesquelles elle s’était jusqu’alors appuyée. Les menaces sur la paix n’allaient guère tarder à s’accumuler. Au-delà de la tragédie humaine, c’est l’histoire européenne qui apparaît à l’arrière-plan de cet excellent ouvrage. ♦