Les trois Brésil
Ce n’est pas en touriste que François de Combret a parcouru le Brésil ; lauréat de la Fondation Singer-Polignac grâce à laquelle il a paru entreprendre ce voyage, c’est poussé par une curiosité digne d’un journaliste qu’il est allé à la rencontre des paysages de misère qui peuplent le véritable Brésil : celui des favelles (favelas) de Rio, des alagados de Bahia, celui du polygone de la famine, de la sécheresse et de la révolte, le Nordeste.
La vivacité du style n’est là que pour mettre en valeur ce qui, de son propre aveu, a le plus frappé l’auteur : l’extrême inégalité des fortunes et la misère du plus grand nombre. Livre plein d’amertume et de honte, cette honte qui accompagne François de Combret tout au long de son périple, cette honte des privilégiés de l’Occident qui prennent conscience de la responsabilité qui leur incombe à l’égard de cette misère, résultat d’un colonialisme intérieur mais aussi d’un néocolonialisme des pays riches.
Livre plein de chaleur humaine aussi, de la chaleur de ces contacts que l’auteur noue avec des hommes décidés à combattre l’injustice : des évêques, comme Dom Helder Camara ou cet évêque du Sertan engagé dans un combat contre une petite classe de propriétaires fonciers qui réduit à l’état de servage la masse énorme du prolétariat rural ; des prêtres, comme ce Suisse qui vit au milieu des prostituées et s’écrie : « si tu savais la richesse de cœur de ces femmes ! » ; des hommes courageux que le gouvernement militaire accuse de communisme et de subversion, mais qui ne portent « rien de rouge que l’Évangile ».
Par-delà « l’industrialisation en technicolor », c’est, tour à tour, la misère et l’espoir qu’on rencontre avec François de Combret, de Bahia à Recife, de Belem à Manaos, de Brasilia à Sao-Paulo.
Dans la préface, Jean-Marcel Jeanneney essaie de répondre à la question finale de l’auteur : le Brésil est certes le pays de l’avenir ; mais quel avenir ? ♦