L’Ère de Roosevelt. La crise de l’ordre ancien 1919-1933
Tandis que l’Amérique se débat dans une crise apparemment sans issue, l’homme que le destin a choisi pour la sauver, lutte lui-même avec un acharnement poignant contre la paralysie qui le terrasse.
Qui est Franklin D. Roosevelt, le « Guerrier victorieux » de ce combat ? Arthur Schlesinger nous le dit dans le plus long et le plus captivant des chapitres de son livre, mais il nous explique aussi pour quoi et contre qui il s’est battu : pour et contre le Parti démocrate, son parti, dont il parvient à vaincre le découragement et le scepticisme, pour et contre l’État qu’il a servi déjà et bien servi, pour et contre ses concitoyens qui portent le grondement de leur misère jusqu’au seuil de la Maison-Blanche, enfin contre Hoover et les Républicains engoncés dans leur immobilisme.
Parce que quatre présidents successifs, un utopiste, un incapable, un lugubre farceur, un optimiste aveugle n’ont pas su prévoir ni enrayer la banqueroute, parce que l’Amérique a cru que « son affaire était de faire des affaires », parce que la bourse est devenue une roulette où ne gagnent que les nantis, parce que l’égotisme de l’État et le protectionnisme qui en est le corollaire… parce que la cupidité, parce que l’indifférence… le 4 mai 1933 l’Amérique est en faillite, les usines sont silencieuses, 13 millions de travailleurs sont en chômage, les banques sont fermées, le peuple le plus riche du monde en est à mendier du pain au pied de ses silos remplis.
L’ère nouvelle aura duré 13 ans. Le « New Deal » dont Franklin D. Roosevelt a établi le programme va prendre sa place. Curieusement le contenu de ce programme rejoint les préoccupations de notre temps : protection des richesses naturelles, écologie, planification économique, humanisation des conditions de vie, action sociale.
Dans ce drame où défile une impressionnante théorie de personnages pittoresques ou méprisables, la rigoureuse analyse de l’historien n’exclut pas l’anecdote. On lira avec émotion la mort d’Ella May Wiggins [NDLR 2020 : organisatrice syndicale assassinée en 1929], le désespoir des anciens combattants [Bonus Army] chassés de Washington sous les sabres d’un général encore inconnu, MacArthur. Mais il faut lire tout de cet ouvrage dense et parfois difficile parce que l’Amérique d’aujourd’hui, le plus puissant des États, est l’héritière de cette incohérente Amérique de 1932 qui mourait de soif auprès de ses fontaines. ♦