Le métier de la mer
Sous le nom d’Hilarion, et sous le titre S et G, l’amiral Philippon avait déjà conté comment à Brest, en 1941 et 1942, il avait recueilli et transmis aux services de renseignement de Londres des informations du plus haut intérêt dont l’exploitation avait permis de très fructueuses opérations contre de grands bâtiments de la marine allemande. Il nous donne aujourd’hui un récit dont l’aventure brestoise n’est plus qu’un épisode. C’est en effet toute une vie de marin que l’on voit se dérouler sur la toile de fond d’une période au cours de laquelle, comme le dit l’auteur, « les officiers de sa génération ont épaulé cinq ou six guerres », et dont il a personnellement vécu, ou tout au moins approché, les drames et les cas de conscience.
Entré dans la Marine en 1928, l’amiral Philippon, en 41 ans de carrière, a connu des affectations et exercé des commandements dont la variété et l’importance croissante lui permettent de dépasser le cas particulier et justifient pleinement le titre qu’il a donné à son ouvrage.
Un des pôles d’intérêt, et non le moindre, de ce récit, qui lui donne valeur de témoignage, est la faculté d’adaptation de l’auteur. En toute situation, il s’intègre totalement à son état, que les nécessités de la paix ou les hasards de la guerre le conduisent sur une passerelle, dans un réseau de résistance, sur un champ à labourer ou à l’État-major particulier du Chef de l’État.
Et dans les circonstances les plus diverses se manifestent indépendance du caractère et du jugement, en même temps qu’esprit de compréhension et de tolérance, sérénité et, quel que soit l’interlocuteur cité, une franchise simple et directe.
À l’occasion, le récit fait place à la réflexion et l’attachement profond de l’auteur pour la Marine n’exclut pas la lucidité avec laquelle il analyse ses besoins, ses forces et ses faiblesses et les solutions d’avenir possibles.
À l’égal du fond, la forme est attachante. On est sensible à la clarté du style, à sa souplesse qui, le faisant passer du grave au plaisant, lui permet d’être toujours adapté aux péripéties de la situation et du récit ; on apprécie le sens très poussé de la description des lieux, des situations et des personnages.
Ce livre, ai-je entendu dire, se lit comme un roman. Oui, sans doute, comme l’un de ces rares et très bons romans que l’on ne quitte qu’à regret et qui, outre leur puissance d’évocation, offrent au lecteur de solides sujets de méditation. Aux marins, il fera revivre leurs années de service. Aux autres, il fera mieux saisir les traits particuliers parfois critiqués, souvent incompris, de la Marine et du métier de la mer. ♦