Les nouveaux Européens
L’auteur s’est déjà fait connaître par un livre qui eut du succès : Anatomie de l’Angleterre. Le présent ouvrage est en quelque sorte une « anatomie de l’Europe ». Paru en Angleterre en 1968, réédité en 1969, sa traduction française a été publiée au moment où s’engageaient les pourparlers visant l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun ; ce caractère d’actualité demeure encore aujourd’hui.
L’analyse des conditions dans lesquelles se trouve actuellement l’Europe est vivement menée, malgré la longueur du texte. Elle porte sur les dirigeants, les grandes affaires, les mouvements d’hommes et de biens, les moyens de communication dans le domaine des transports et dans celui des idées, l’orientation politique générale, l’attitude des jeunes, et sous une forme assez brève, la défense. On retire de cette lecture deux impressions contradictoires, d’ailleurs attendues car elles sont évidentes : la similitude des grands problèmes et la diversité de leur présentation dans le cadre de chacun des États et de chacune des nations. Il est à noter que l’auteur n’a pas cru pouvoir étendre son étude à l’Europe de l’Est sous domination soviétique, qu’il juge « trop obscure et trop impénétrable pour en tenter l’analyse ». La question est donc de savoir « jusqu’à quel point les Nations de l’Europe occidentale, la Grande-Bretagne incluse, se rapprochent » les unes des autres. Il n’y a pas de réponse simple à cette question. L’auteur constate un affaiblissement des idéologies, un renforcement des nationalismes, une désaffection pour « la gauche », mais ces caractères généraux ne lui semblent pas suffisants pour servir de base à l’élaboration d’une Europe unie. Le mouvement de contestation des étudiants contre les structures actuelles lui semble pouvoir évoluer, malgré l’absence actuelle d’une définition de nouvelles structures, vers une attitude constructive qui pourrait donner à l’Europe de demain des traits nouveaux : une décentralisation régionale, une limitation du pouvoir des États et de celui des financiers, mais une intensification des rapports humains, une plus grande vérité dans les structures, donc une meilleure correspondance des besoins de l’homme et du cadre institutionnel qu’il se donne.
L’entrée de la Grande-Bretagne dans l’Europe serait, à son avis, fort utile à cette élaboration éventuelle de l’avenir, car ses traditions de décentralisation, d’autonomie locale, de vie véritablement démocratique seraient un contrepoids utile et nécessaire à la centralisation excessive des États du continent. Le gain serait davantage de nature psychologique et institutionnelle que de nature économique.
Le livre intéressera par sa thèse, ainsi que par les innombrables aperçus qu’il donne de l’Europe actuelle dans les domaines les plus divers. ♦