La nuit des long couteaux
L’auteur tient avec raison à qualifier son ouvrage de « récit historique » ; c’est bien en effet un récit, fort détaillé, des événements qui se sont déroulés au cours du mois de juin 1934 en Allemagne et ont abouti à l’écrasement dans le sang, le 30 juin et les jours suivants, des chefs des sections d’assaut qu’Hitler craignait de voir se dresser contre lui et son régime. En même temps, d’autres victimes sont tombées, suspects de toute espèce ou témoins gênants de l’ascension du nazisme.
Ces événements ont laissé assez de traces dans la mémoire des contemporains pour qu’ils retrouvent dans ces pages la confirmation de ce qu’ils savaient. Mais la majorité de ceux qui vivent actuellement n’était pas encore née en 1934 ou était trop jeune pour avoir gardé des souvenirs personnels. Aussi était-il bon que les faits soient rappelés afin qu’ils puissent être mieux connus.
Toute dictature s’impose, mais se heurte aussi à des oppositions internes qu’il faut un jour faire cesser. Elle porte en elle-même la rançon de sa propre violence et ne peut subsister que par la force. C’est une leçon générale qu’illustre l’exemple de la dictature nazie ; celle-ci n’est pas la seule à avoir subi sa loi inévitable.
Avec cette loi, des millions d’hommes qui n’ont vu en elle que la garantie de l’ordre et de l’efficacité dans une période de troubles ou de difficultés, se trouvent contraints d’accepter la violence érigée à l’état de système et déguisent leur impuissance sous les fallacieux arguments de la sécurité publique. Qu’un groupe de forcenés se dispute le pouvoir comme des gangsters un butin, cela est dans l’ordre des choses ; mais que des peuples entiers assistent, sans pouvoir ou vouloir faire triompher la mesure et la morale, à ces luttes sordides qui engagent leur avenir, voilà qui est grave.
Le récit de Max Gallo conduit à ces réflexions et fait aboutir à la conclusion que la dictature doit être empêchée avant qu’elle n’ait pu s’instaurer ; lorsqu’elle s’est installée, il est trop tard. Il appartient au lecteur d’aller de lui-même au-delà des faits qui lui sont racontés dans un style clair, par tableaux successifs, dans lesquels le drame, suffisamment haletant dans la suite de son déroulement, est un peu « dramatisé » dans sa présentation, suivant une méthode qui se généralise dans ce genre de récits. ♦