La lutte armée arabe et l’impérialisme. T. I : La bataille du 5 juin 1967
L’ouvrage du commandant Sabr Abu-Nidhal ne constitue pas seulement une étude critique des opérations de la « bataille » des « Six jours », perdue, assure l’auteur, non par manque de moyens mais par absence de stratégie. Anticipant sur les tomes à venir de cette série, il expose les dangers que lui semble courir, devant Israël (qu’il désigne par le vocable de CSP, « Colonie sioniste palestinienne ») fort de son avance technologique et de l’appui du sionisme mondial, un monde arabe qui n’est encore qu’une somme d’entités régionales.
L’auteur constate à la fois « une résurgence du régionalisme égyptien » et la montée des organisations palestiniennes, dont l’importance réside à ses yeux dans la possibilité d’un « regroupement des masses arabes autour d’elles » (p. 43) et ultérieurement d’une unification complète. Malgré ses réalisations, « le régime actuel de la RAU [République arabe unie, NDLR : l’Égypte] ne peut être considéré comme un régime authentiquement populaire avec un parti d’avant-garde révolutionnaire » (p. 34) ; la multiplicité actuelle des formations arabes, « si elle dure encore un an ou deux, donnera à notre ennemi une avance considérable pour accroître notre propre malheur » (p. 133). Tout État ou parti arabe doit être jugé en fonction, non de tel ou tel succès occasionnel, mais de « ce qu’il a fait, de ce qu’il va faire pour l’unité du camp arabe » (p. 54). Cette unité est à concevoir dans « la préparation à la guerre totale populaire avec un seul Parti d’avant-garde authentiquement révolutionnaire » (p. 49 ; cf. encore p. 60) ; les conférences de diplomates et d’officiers restent sans résultat possible, le moyen du salut est « l’unité de nos forces, leur fusion dans une armée unique, dépendant d’un seul chef d’état-major, avec une seule doctrine offensive… » (p. 133).
La conception de l’auteur semble s’éloigner également de l’idée égyptienne d’une coalition arabe dont l’armée de la RAU serait l’élément majeur et dirigeant, et de la tendance de la Résistance palestinienne à tout subordonner à sa propre action, menée encore par des groupes jaloux de leur autonomie. Elle s’apparenterait plutôt au projet, si souvent mentionné ces derniers temps, du chef de l’État libyen, le colonel Maamar al Gaddhafi [Mouammar Kadhafi], pour une mobilisation unifiée de toutes les ressources de la nation arabe. La pensée, comme le style, porte la marque d’une nouvelle génération militaire arabe, réaliste et intransigeante, qui envisage les formes de la lutte avec une énergie nouvelle et avec un mépris total des demi-mesures et des compromis. ♦