Monarchie et peuples du Danube
Résumer – fût-ce en quatre cent cinquante pages – l’histoire de l’Europe danubienne pendant près de dix siècles est une gageure difficile à tenir, car il faut faire une large synthèse des faits politiques, économiques, sociaux, militaires qui ne se laissent pas facilement réduire à un dénominateur commun ; de plus, il est impossible de simplifier une histoire si longue et par nature si complexe, sans risquer de tomber dans la caricature ou l’erreur. Aussi faut-il savoir gré à l’auteur d’avoir écrit cette synthèse et ne pas lui tenir rigueur d’en avoir fait un ensemble compact, qui appelle une lecture attentive et une attention soutenue.
Cette longue histoire est celle d’un échec. La dynastie des Habsbourg n’a pu unifier les peuples sur lesquels elle a si longtemps régné. Elle n’a pas trouvé la solution qui leur aurait permis de vivre ensemble et de concilier leurs intérêts évidemment communs et leurs légitimes aspirations nationales, en d’autres termes de dépasser celles-ci en assurant ceux-là. Le danger extérieur, tour à tour turc, français, prussien, n’a pas davantage été l’occasion d’une fédération solide, capable de surmonter les difficultés de toute existence collective. Et pourtant cet échec a mis des siècles à être consommé, ce qui autorise à présumer qu’il eût pu être évité ; si la monarchie avait été faible au point que certains historiens l’ont dit, elle n’aurait pas vécu si longtemps.
À notre époque, nous voyons l’héritage des siècles passés : un ensemble danubien qui devrait être uni pour des raisons de géographie et d’économie, et qui reste morcelé en petits États dont chacun est trop faible pour offrir une résistance véritable à ses puissants voisins. Tant que cette situation durera, il sera difficile de « faire l’Europe ». Les hommes de notre temps réussiront-ils là où la monarchie des Habsbourg a échoué ? Encore faudrait-il qu’ils essayent ; mais les pays danubiens appartiennent à l’Occident et au monde communiste, partage qui ne facilite pas la solution.
Le livre de Victor Tapie conduit donc aux réflexions les plus actuelles. L’histoire qu’il résume et synthétise n’est pas achevée. ♦