De Gaulle
C’est un beau livre et le meilleur sans doute de ceux qu’a écrits l’auteur. La présente édition reprend le texte d’un volume paru sous le même titre en 1965 et le complète de nouveaux chapitres consacrés aux événements postérieurs à cette date.
Il n’est pas question ici de juger si Jean Lacouture a raison, s’il demeure objectif, s’il donne du général de Gaulle une bibliographie exacte que l’avenir confirmera. Ce livre nous a donné l’impression de traduire les émotions d’un critique d’art devant une œuvre d’art. Les formules fusent, frappantes, dans un style précis ; pour ce maître du verbe qu’est le général de Gaulle, l’auteur s’est mis en frais de mots, sans qu’il y paraisse une volonté arrêtée, mais parce que le sujet l’imposait. Ces mots expriment des idées d’une intelligence pénétrante, rapide, incisive, qui font penser à un exercice de virtuosité. L’auteur tourne autour de son héros, s’en étonne, s’en éblouit, oubliant un moment qu’il est un contemporain embarqué sur le même navire que lui. Puis la notion de cette même appartenance reprend le dessus : la phrase admirative s’achève sur une remarque caustique, sur une réticence, voire sur un trait acéré. Les jugements se ressentent de cette alternance dans la vision du héros légendaire et de l’homme public qui, inséparables pourtant, apparaissent tour à tour dans l’auréole des lointains de l’histoire et dans le terre à terre des luttes actuelles. La formule de conclusion (« un réaliste de l’imaginaire ») résume bien cette ambiguïté, sinon cette contradiction.
Un livre que l’on ferme avec nostalgie, parce qu’il donne de l’homme une dimension inhabituelle. Une bibliographie en forme de poème héroïque, car le temps de l’histoire n’est pas encore venu. ♦