Défi et réponse. Un programme pour l’Europe
Franz-Joseph Strauss, le célèbre homme d’État allemand (Union chrétienne-sociale en Bavière, CSU), envisage les rapports internationaux comme des rapports de force. Convaincu de la volonté soviétique de poursuivre, sous toutes les formes opportunes suivant les circonstances variables, la conquête idéologique et politique du monde, il développe, dans une argumentation serrée, ses idées sur la situation mondiale et plus particulièrement sur la position de l’Allemagne dont l’actuelle division n’est pas un fait national, mais la preuve de la séparation de l’Europe tout entière en deux ensembles que tout oppose.
Il est logique que l’Allemagne désire sa réunification ; celle-ci ne peut cependant se réaliser que s’il se constitue d’abord une Europe fédérée, suffisamment forte et attirante pour rallier les satellites de l’URSS et par conséquent permettre la réunification allemande. Cette fédération souhaitable, nécessaire à la paix du monde, ne saurait sans doute être atteinte d’un seul coup ; il faut prévoir une étape intermédiaire d’association entre les peuples de l’Europe occidentale, y compris l’Angleterre ; association qui ne saurait être que politique, avec les conséquences que cela entraîne dans les domaines militaire et économique. Cette Europe associée, puis unie, doit être forte, tant pour être capable de parler sur un pied d’égalité avec les États-Unis que pour amener l’URSS à compter avec elle et à ne plus la tenir pour négligeable, comme elle l’est actuellement, vue de Moscou, par sa division et ses désaccords.
L’Allemagne est géographiquement au centre de l’Europe ; sa responsabilité indéniable dans le déclenchement de la dernière guerre, sa présente division entre l’Est et l’Ouest, mais aussi son dynamisme, le chiffre de sa population totale, sa puissance économique, son réel désir de paix sans abdication de sa personnalité, lui imposent à la fois sa mission et ses méthodes dans le dépassement de l’idée étroitement nationale. Puisque le problème allemand est au centre de l’unité européenne, il faut le traiter comme une affaire européenne, donc au-delà des « structures anachroniques » des États nationaux de l’Europe actuelle. Mais une Europe fédérée doit conserver les valeurs nationales, car « face aux Supergrands, l’Europe, relativement petite, ne dispose d’aucun capital plus important que la diversité de ses qualités nationales ».
Sur ce thème général, l’auteur fait une large démonstration de géopolitique, avec un réalisme qui écarte toutes les utopies. On voit notamment dans cet ouvrage, où les questions militaires tiennent une place importante, comment un homme d’État les place dans l’ensemble d’une stratégie volontaire et nettement définie. Et ceci est hautement significatif.
La préface a été écrite par Jean-Jacques Servan-Schreiber. L’auteur a rédigé une postface qui date de février 1969, de façon à mettre à jour le texte de l’ouvrage, antérieur de six mois. C’est indiscutablement un livre à lire. ♦