L’impératif économique
Plusieurs raisons motivent l’attention que ce livre mérite : l’auteur est déjà bien connu par ses précédents ouvrages ; il est actuellement l’un des conseillers techniques du ministre de l’Économie et des Finances, Valéry Giscard d’Estaing ; le sujet est d’une indiscutable actualité, et ne traite pas de la théorie de l’économie, mais de sa mise en application dans le domaine le plus immédiat et le plus concret.
L’industrie et plus généralement l’économie françaises ne sont pas compétitives sur le marché qui s’ouvre à l’intérieur de l’Europe et dans l’ensemble du monde. L’auteur analyse sans complaisance les causes et les conséquences de cette situation défavorable. La conception traditionnelle du profit, objet en soi, est erronée et nous cause le plus grand tort ; le profit est un moyen de surveillance et de régulation de l’activité économique, quel qu’en soit l’usage qui en sera fait et qu’il revienne finalement aux individus, à des collectivités ou à l’État. Il ne peut être valablement obtenu que dans des entreprises exactement adaptées, par leur taille, leur importance et leur organisation, aux produits qu’elles fabriquent et travaillant, suivant le cas, à l’échelon local, à l’échelon national ou à l’échelon d’une communauté plus grande que la nation. Cette dimension optimale des entreprises doit tenir compte du fait que l’offre régit la production davantage que la demande, mais aussi que le critère le plus important est celui des prix, dont la fixation est l’opération économique la plus importante de toutes.
Sur ces données, l’État doit créer d’abord un « environnement » qui permette le développement des industries, car il est le seul à pouvoir le faire ; il s’agit pour lui d’harmoniser, de coordonner, de synchroniser les activités économiques de toute sorte en fonction des objectifs économiques et sociaux, donc au total politiques, qu’il s’est fixés. Objectifs nécessaires, car en économie comme ailleurs, « il y a des faits, et non des fatalités ». L’auteur estime qu’en France, actuellement, c’est autour de l’industrie que doit s’ordonner l’action d’ensemble de l’État, suivant des méthodes qu’il définit et dont il serait vain de vouloir rendre compte dans cette courte analyse. La priorité industrielle conduit à une modification des errements existants ; elle peut aboutir à des transformations profondes qui ne peuvent être accomplies que si les individus prennent conscience de leur intérêt véritable, au-delà des considérations du moment qui sont souvent marquées par un involontaire, mais puissant réactionnisme.
Redonner à notre industrie, et par suite à notre économie et à l’ensemble de notre activité nationale, le goût et les moyens de la compétitivité, tel est le remède à une situation présente préoccupante.
Dans ce livre, on ne trouvera pas d’exposé de théories économiques complexes et difficiles à assimiler par le profane. L’ouvrage est facile à lire, malgré sa densité ; c’est un programme d’action raisonnée, dont l’argumentation est bien menée et donne au lecteur large matière à réflexion, qu’il soit séduit ou choqué par son expression. ♦