Histoire de l’Espagne franquiste
De tous nos voisins immédiats, l’Espagne est sans doute le pays dont nous avons la connaissance la plus sommaire, bien que des dizaines de milliers d’entre nous y séjournent pendant leurs vacances. L’idée que nous nous en faisons procède de souvenirs personnels et de l’attitude que nous adoptons envers le régime franquiste en fonction d’opinions a priori. C’est pourquoi l’ouvrage de Max Gallo est le bienvenu, puisqu’il donne de l’Espagne une histoire détaillée, souvent minutieuse, par endroits même prolixe, des trente années du régime instauré par la force en 1939 après une longue guerre civile.
Celle-ci est assoupie plutôt que terminée. Le régime dictatorial – mais, écrit l’auteur, à la manière réactionnaire classique et non suivant les modèles fasciste et nazi – a tenté et en partie réussi à intégrer l’Espagne du général Franco dans le monde européen et américain. Les transformations économiques ont été profondes ; elles ont donné à l’Espagne un nouveau visage, très différent de celui de la société féodale de 1936 ; mais au prix de difficultés nombreuses, sanctionnées par des troubles graves, des révoltes sporadiques, des discussions politiques exacerbées par des souvenirs qui ne veulent pas mourir.
Pour réaliser cette transformation et continuer d’affirmer son pouvoir et sa conviction anticommuniste, le général Franco a dû déployer des ressources remarquables d’habileté manœuvrière, s’appuyant sur les uns pour neutraliser les autres, sûr de lui-même et de son œuvre. L’auteur, pourtant, ne paraît pas avoir de sympathie pour le régime non plus que pour l’homme qui l’incarne. Le Caudillo a eu, tout au long d’un véritable règne qui se prolonge, l’appui de l’armée dont il a fait la garantie de ses succès au moment des crises les plus graves. La force, l’action policière, la dure répression ont eu raison des tentatives d’une opposition toujours renaissante, mais incapable de s’unir et d’opposer à la doctrine une autre doctrine aussi cohérente et pratiquement démonstrative.
La récente désignation de Don Juan Carlos comme héritier du général Franco est-elle de nature à guider l’Espagne vers une démocratie véritable ? Non sans doute, pense l’auteur, car il convient d’abord d’assurer et d’achever la transformation du pays en un État moderne, industrialisé, comparable aux autres pays européens ; ce qui nécessite le maintien de l’autorité et le souci de « l’exécution efficace » de ses décisions. À moins que ne se produise, dans l’ensemble des pays européens, une grave crise politique et sociale, qui remettrait tout en question.
Ouvrage solide, un peu long, dont la thèse aurait, nous semble-t-il, gagné à être plus fortement résumée, l’étude de Max Gallo est de celles qu’il faut lire. ♦