Le problème noir est aussi vieux que les États-Unis dont on vient de célébrer le deuxième centenaire de l'Indépendance, mais jamais il n'aura été aussi lancinant et aussi présent à l'esprit de la population américaine. Il suffit de penser au succès extraordinaire qu'a obtenu un livre – Roots (Racines) – dont l'auteur, Alex Haley, est un noir qui est remonté à la source de l'histoire de sa famille et en a suivi les étapes. Une série de programmes télévisés concernant l'évolution de la présence noire aux États-Unis depuis l'esclavage jusqu'à nos jours a été suivie par des dizaines de millions de spectateurs. Depuis la retransmission des premiers pas de l'homme sur la lune aucune émission n'avait eu une audience comparable.
C'est bien ce qu'avait compris Jimmy Carter et c'est ce qui lui a valu d'être élu à la Présidence ; le vote des Noirs et des pauvres (mais la majorité des pauvres est noire) fut en effet décisif en l'occurrence. Les Blancs, quant à eux, n 'étaient pas mus par le même intérêt, non pas qu'ils fussent moins concernés par ce problème, mais surtout parce qu'ils appréhendaient les sacrifices nécessaires pour y faire face.
De toute évidence, la politique extérieure des États-Unis est également influencée par cette prise de conscience : l'Administration Carter découvre l'Afrique ; on discute avec le Tiers-Monde comme Washington ne l'avait jamais fait auparavant. Promotion impensable il y a quelques années encore, un Noir, M. Andrew Young, est nommé représentant permanent des États-Unis auprès des Nations unies avec le rang d'ambassadeur et participe aux réunions du cabinet Carter.
Sur le plan politique et social, beaucoup a été fait ces temps derniers, mais pas assez eu égard à l'ampleur de ce problème. La forme fédérale du gouvernement ne permet pas de suivre aisément les progrès accomplis. Washington peut encourager une évolution, prendre certaines initiatives, mais c'est en définitive sur le plan régional, dans chacun des cinquante États de l'Union, que la plus grande partie des programmes sont décidés.
Il y a là un problème immense dont nous, Européens, n'avons guère idée : songeons que, officiellement, les Noirs aux États-Unis représentent 12 % d'une population de 217 000 000 d'habitants (soit 26 000 000 de Noirs, sans compter plus de 5 000 000 d'immigrants clandestins) et que, dans certaines villes, comme Washington, cette proportion atteint 71 % ! Les Américains sont très conscients de la gravité de ce problème, ce qui ne signifie pas pour autant qu'on puisse s'acheminer vers une solution à court terme, car les racines de celte situation plongent profondément dans l'histoire et la conscience de tout un peuple. Un regard sur le passé suffit pour s'en rendre compte.