Mille jours à Pékin
Malgré son style télégraphique, ses expressions cocasses et souvent crues, ses observations sarcastiques et frappantes, ce long journal de trois ans à Pékin est d’une lecture monotone. Il est regrettable que l’auteur ne l’ait pas condensé et ramené à l’essentiel des deux thèmes qui s’enchevêtrent : la vie des étrangers travaillant au service des Chinois – l’auteur était traducteur aux Éditions d’État – et la Révolution culturelle.
Le premier montre un milieu étrange, cosmopolite, dans lequel des hommes et des femmes sont venus de tous les pays du monde, non par idéologie maoïste, mais pas dégoût du monde occidental et de sa civilisation : des desperados, en quelque sorte, dont la plupart regrettent le milieu qu’ils ont quitté et aspirent à le rejoindre dès que leur contrat avec le gouvernement chinois aura pris fin. Ils forment un milieu fermé, parcouru de ces inévitables mouvements de sympathie et d’antipathie à tout prendre mesquins, comme il est fatal dans une société si réduite. Leurs relations avec la Chine semblent restreintes, les occasions manquant pour les nouer, et le climat politique ne permettant pas de véritables contacts avec le pays et la population. Aussi, ce que dit l’auteur de la Révolution culturelle reste-t-il limité à ce qu’il a pu voir ; c’est un témoignage sur les scènes de la rue, témoignage accablant dont la répétition fait songer à quelque Voyage au bout de la nuit écrit par un journaliste que hanteraient le style et la manière de Céline.
L’auteur n’était pas communiste à son départ. À son retour, il est persuadé pleinement que la leçon de ses trois années chinoises est qu’il faut s’affermir dans sa « peau d’homme blanc et d’homme libre ». Affirmation sans nuance, sans réplique ; elle s’oppose brutalement à celles des écrivains qui cherchent à découvrir, au-delà des faits du moment, la réalité chinoise. ♦