Une suite d’affirmations ne constitue pas une démonstration. Il aurait fallu sans doute de nombreux volumes pour justifier les opinions de l’auteur sur ce que pourrait être la situation des États-Unis en 1985 ; mais le lecteur accepte mal que, tout au long d’un livre, se succèdent des phrases rapides qui n’apportent aucun élément de discussion constructive ; aussi se prend-il à douter de la valeur scientifique de l’ouvrage. Cette maladresse dans la présentation est regrettable, et la préface spécialement écrite par Donald Michael pour l’édition française paraissant six ans après la première édition américaine ne parvient malheureusement pas à la corriger.

Quoi qu’il en soit, le tableau qui est fait de la situation des États-Unis et plus généralement du monde tels qu’ils seront ou pourront être en 1985 n’a rien d’encourageant. L’auteur n’a cependant pas voulu le pousser au noir et son objectivité est certaine. Les pays développés seront aux prises avec des difficultés naissant du retard de l’esprit sur la civilisation, les hommes éprouvant leur impuissance à suivre les progrès de la technique, hors ceux, fort peu nombreux, qui domineront leur temps et constitueront, malgré la démocratisation prononcée et l’élévation du niveau d’instruction, une aristocratie particulièrement sélectionnée. Les pays sous-développés continueront de se débattre au milieu de difficultés de plus en plus graves, qu’ils auront de plus en plus de peine à surmonter et qui risqueront de les conduire au morne désespoir ou à la rage destructrice. La jeunesse se séparera de plus en plus de la masse des adultes où elle ne trouvera pas de compréhension, ni d’aide. Le syndicalisme ne suscitera plus, dans les hommes mieux pourvus en confort, l’enthousiasme qui a fait son succès autrefois. Les privilégiés le seront davantage, leurs motivations sociales n’auront pas eu le temps de se transformer, alors que les déshérités sentiront davantage l’injustice de leur sort sans pouvoir le modifier. Il y aura sans doute des guerres mineures ou larvées, mais les Nations feront vraisemblablement des progrès – limités – dans le contrôle et la diminution des armements. Et dans ce monde profondément perturbé, les possibilités techniques offertes par les procédés contraceptifs ne surmonteront pas les inerties fort lourdes des mythes sociaux et des croyances religieuses.

Il importe donc de faire tous les efforts possibles pour aider les jeunes, ceux dont 1985 marquera les premiers pas de l’entrée dans le monde des adultes, à trouver un sens à la vie. Comment ? L’auteur ne le dit pas : il s’est arrêté aux perspectives vraisemblables, sans se risquer à énoncer ou à conseiller des remèdes. C’est donc au lecteur de conclure sur ce point, le plus délicat et le plus difficile. Il serait regrettable qu’il conclue à son impuissance. Tel qu’il est, malgré ses insuffisances, ce livre doit faire réfléchir ; l’auteur, nous l’avons dit, n’a pas étayé ses affirmations ; mais s’il n’avait pas tort ? ♦