Napoléon III
La figure et le caractère de Napoléon III sont décevants pour les historiens, qui les décrivent difficilement, tant ils paraissent flous, changeants, discutables. Georges Roux, comme ses prédécesseurs, s’est heurté au mystère – si mystère il y a – de cet homme d’aventure que le peuple français porta au poste suprême, dans un élan d’enthousiasme incontrôlé, et que, déçu par les désastres des débuts de la guerre de 1870, il oublia presque aussitôt.
L’auteur a donc dépeint son héros de l’extérieur, pourrait-on dire, sans réussir à pénétrer dans une pensée lente, fuyante et cependant remarquablement précise lorsqu’elle se transformait enfin en action. Il n’a pu davantage expliquer l’engouement des Français pour l’homme : le seul fait qu’il était le neveu – mais l’était-il ? – du grand Napoléon n’explique pas cet enthousiasme ni cette extraordinaire réussite politique, qui, de conspirations en geôles, mène Napoléon III au trône. Certes, depuis lors, les exemples n’ont pas manqué de réussites plus brillantes et plus surprenantes encore ; mais le fait reste à étudier dans ses causes profondes.
L’ouvrage est centré sur Napoléon III lui-même ; son œuvre n’est indiquée que sommairement, dans la mesure nécessaire pour éclairer le personnage. Cela peut paraître regrettable : un homme est jugé par ses actes mieux encore que par ses intentions. Or, les actes de Napoléon III sont d’une portée immense : il a favorisé personnellement la naissance en France de l’économie moderne, de la législation sociale, de l’urbanisme, bref de tout ce qui fait aujourd’hui, au sens très large de l’expression, « l’aménagement du territoire » ; il a continué la politique de regroupement des États allemands et italiens qu’avait inaugurée son oncle ; il s’est laissé emporter par la vague de chauvinisme et d’aveuglement qui précipita notre pays dans la guerre contre la Prusse, qu’il ne désirait pas et dont il comprit rapidement qu’elle ouvrait une ère sanglante pour l’Europe et pour le monde. Il a eu, des questions coloniales, une vue moderne, très en avance sur son temps. Autant de titres contradictoires, certes, mais qui devraient le placer à un rang, dans notre histoire, auquel les historiens ne l’ont pas fait accéder.
Souhaitons que le livre de Georges Roux dont l’ambition n’était visiblement pas de renouveler les thèses admises, ouvrira cependant la voie à d’autres études. ♦