La France dans l’Europe de Hitler
Malgré son élégante traduction, l’étude historique d’Eberhard Jackel est massive et ne se prête guère à une lecture courante ; elle est minutieuse, consciencieuse, étayée à chaque pas ou presque par des références. Le sujet est pourtant d’un très grand intérêt : le titre l’indique suffisamment. Que pesait la France dans les plans de Hitler, après la campagne de 1940 ? On serait tenté de répondre : « pas très lourd »… après avoir lu ce livre, qui a le mérite de nous décrire des événements – qui pour nous étaient et sont demeurés capitaux – dans l’ensemble de la manœuvre de domination allemande sur l’Europe. Et pourtant, une réflexion plus approfondie peut conduire à une réponse moins catégorique : la France était en quelque sorte le talon d’Achille du dictateur ; il pouvait y toucher de près sa faiblesse véritable, malgré les affirmations répétées de sa force. Contraint de tenir compte de la présence d’un gouvernement et d’une population qu’il savait, sans aucune illusion, lui être profondément hostiles, sachant que toute reprise des opérations à l’Ouest sonnerait le glas de ses ambitions et de sa puissance, Hitler évitait de se rendre à l’évidence qui devait éclater si clairement en 1944.
On mesurera peut-être davantage, en lisant ce livre, à quel point l’Afrique française d’alors fut, dès 1940, déterminante ; le gouvernement de Vichy pouvait à chaque instant faire peser la menace d’une « dissidence » des possessions africaines, dans lesquelles ni les Allemands ni les Italiens n’avaient réussi à s’implanter. Hitler espérait – sans trop y croire – que les Français le garderaient de toute menace grave en Méditerranée, cependant qu’il se lançait dans l’aventure russe, pour lui « la grande affaire ».
Si ce livre n’apporte pas encore l’histoire définitive de cette période sombre, il y contribue cependant largement. ♦