Ils ont tué Jaurès
Les crimes politiques récents donnent à cet ouvrage une actualité qui double l’intérêt du sujet lui-même. À quel mobile avait obéi l’assassin de Jaurès ? Car, paradoxalement peut-être, c’est celui-ci, plutôt que la victime, qui semble devoir fixer l’attention du lecteur. François Fonvieille-Alquier s’est efforcé de répondre à la question ; sa réponse reste hypothétique.
Elle part du postulat que le régime tsariste a voulu la guerre de 1914, et plus particulièrement que l’ambassadeur du Tsar en France a mené, à prix d’argent, une longue et efficace campagne, au terme de laquelle les Français se sont sentis visés par les affaires de la Serbie ; n’aurait-il pas aussi soudoyé Raoul Villain pour commettre l’attentat ? L’hypothèse ne repose sur aucune preuve. Mais l’étude de la psychologie du criminel montre qu’il était un déséquilibré, chargé d’une lourde hérédité, au surplus. Il ne connaissait pas Jaurès, et n’avait même jamais lu la moindre de ses œuvres. Dans son esprit, Jaurès s’était transformé en un mythe, celui du mal, qu’il fallait par conséquent détruire. Dans quelle mesure les articles de presse, la tension nerveuse collective qui a sévi pendant le mois de juillet 1914, les partis pris, les attitudes des hommes politiques, des journalistes et plus généralement de la foule, ont-ils provoqué le crime ? C’est là, nous semble-t-il, la véritable question. À laquelle il s’en ajoute une autre : un criminel qui subit de telles pressions est-il entièrement coupable ?
Le livre est écrit avec beaucoup d’élan. Il se lit d’une traite. Mais on peut regretter que l’ardeur sympathique de l’auteur s’accompagne d’un certain manque de méthode dans l’exposé des faits. ♦