Le Japon
Après un court survol de l’histoire du Japon d’autrefois, l’auteur aborde celle des cent dernières années qui débouche directement sur une brûlante actualité. Nous nous attacherons davantage à la façon dont celle-ci est présentée et expliquée qu’à la suite des événements passés, jugeant que c’est le point qui intéressera le plus le lecteur qui ne se veut pas historien.
La place occupée par le Japon entre les États-Unis et la Chine l’appelle de toute évidence à jouer un rôle important dans la politique extrême-orientale. Le peuple japonais, soumis à une hiérarchie et habitué à une obéissance immédiate, a-t-il d’abord profité des leçons de démocratie que les Américains ont voulu lui donner après l’avoir occupé ? L’auteur apporte à cette question une réponse nuancée ; il est évident, écrit-il, que les autorités américaines ne pouvaient pas faire des miracles et transformer en quelques mois la mentalité de tout un peuple ; les réformes ont été plus efficaces que bien des observateurs ne l’avaient prévu ; elles n’ont cependant acquis un caractère durable que dans la mesure où elles ont seulement hâté l’application de mesures que le peuple japonais était prêt à adopter. MacArthur, comme Perry un siècle plus tôt, « a bousculé les Japonais ».
Quelle place tiennent-ils dans le monde d’aujourd’hui ? La croissance rapide du Japon, son occidentalisation tout au moins superficielle, ses éclatantes victoires, avaient amené les Japonais à croire que la raison de leurs succès provenait d’eux-mêmes, beaucoup plus que de l’initiation des grandes puissances mondiales. La défaite de 1945 a fait sentir que le Japon n’avait, malgré les apparences, jamais été véritablement une grande nation ; ses intellectuels eux-mêmes avaient emboîté le pas derrière les musiques militaires. Maintenant, ramené à ses îles, « coincé entre la puissante Amérique et le continent communiste, le Japon se faufile aussi bien qu’il peut », dans l’amertume de son effondrement et les espoirs de sa renaissance économique ; il se dote de machines, se modernise intensément ; mais il doit aller au-delà de la civilisation technique et acquérir, en somme, une forme moderne de pensée. L’auteur pense qu’il en est capable.
Ce livre substantiel, sérieux, intéressant, écrit dans un mouvement aisément décelable de sympathie envers le pays où l’auteur a passé de nombreuses années, mérite de retenir l’attention. C’est certainement, en même temps que le mieux à jour et le plus actuel, l’ouvrage le plus complet que nous possédions en langue française sur l’histoire récente du Japon.