Pétain à Sigmaringen. De Vichy à la Haute Cour
Le titre de ce livre copieux ne répond pas exactement à son contenu, car il y est traité davantage de l’odyssée des Français réfugiés en Allemagne après l’effondrement des troupes du Reich en France, que de l’histoire personnelle du Maréchal Pétain qui s’y trouve incluse.
Sans doute peu de Français connaissent-ils les détails de cette lamentable période au cours de laquelle, espérant contre toute espérance, certains des hommes politiques du gouvernement de Vichy tentèrent de maintenir une fiction de pouvoir, non sans s’opposer les uns aux autres et s’abîmer dans de tortueuses rivalités. L’auteur dénonce notamment les menées de François de Brinon pour garder une autorité de fait, sous l’égide du Maréchal, qui se refusa à lui accorder tout patronage et bientôt toute confiance, se retranchant derrière sa situation de prisonnier et s’estimant dans l’incapacité d’exercer ses pouvoirs.
Mais il se trouvait en Allemagne, avec des réfugiés de toute sorte, parmi lesquels la figure de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline était particulièrement pittoresque, les millions de prisonniers et de travailleurs auxquels il fallait continuer d’apporter une protection. Il se trouvait aussi les miliciens repliés de France avec leurs armes, les Français engagés à des titres divers sous l’uniforme allemand (l’auteur estime que leur nombre atteignit au total 75 000 hommes pendant toute la durée de la guerre) ; ceux-ci furent regroupés dans une division, la division « Charlemagne », dont André Brissaud décrit les combats contre l’armée soviétique, jusque devant le dernier blockhaus de Berlin.
Cette histoire multiforme est contée avec le souci de n’oublier aucun des aspects de la présence et de l’agonie des restes de ce qui avait été une grande partie du régime de Vichy. Les anecdotes sont nombreuses, et prennent parfois l’allure de romans tragicomiques, si tant est que les événements racontés par l’auteur se prêtent à la comédie ; mais le drame le plus sombre s’éclaire toujours de scènes cocasses. Après 20 ans, les jugements portés sur les hommes et les faits peuvent se réclamer d’une certaine objectivité. André Brissaud ne cache pas les sympathies que lui inspirent certains de ses personnages, qu’il peint dans le malheur et la confusion.
Un livre qui mérite d’être lu. Si l’histoire qu’il raconte est dans l’ensemble triste et douloureuse, elle fait partie, elle aussi, de notre histoire.