Le rôle extra-militaire de l’armée dans le Tiers-Monde
Le titre seul met en appétit, surtout à la suite des nombreux coups d’État et des participations plus ou moins étendues qui, au cours de ces dernières années, ont conduit les armées de nombreux pays du Tiers-Monde à entrer dans la politique active. Ce livre groupe les exposés faits sur cette question, par de nombreuses personnalités civiles et militaires, au cours du colloque consacré à ce sujet par le Centre d’études des relations politiques de Dijon. Le Professeur Léo Hamon en a fait une large et brillante synthèse qui sert de conclusion à l’ouvrage.
Les conférenciers ont traité du rôle extra-militaire de l’Armée dans de nombreux pays d’Afrique du Nord et d’Afrique noire francophone, du Moyen-Orient, d’Asie et d’Amérique latine. Leurs travaux contiennent une mine de renseignements et d’aperçus, non seulement sur l’Armée de ces pays, mais aussi sur les conditions sociales, politiques et économiques dans lesquelles ceux-ci se trouvent. À ce titre, ils apportent une importante documentation qu’il serait sans doute difficile de trouver ailleurs ainsi réunie.
Dans sa conclusion, le Professeur Léo Hamon élève le débat. Après avoir souligné l’extrême complexité des situations et des faits, il tente de répondre à un certain nombre de questions d’ordre général, pour expliquer l’impact du phénomène social particulier qu’est l’Armée sur le phénomène social global. L’étude nous semble faite essentiellement à partir de l’Armée elle-même ; nous aurions préféré, pour notre part, qu’elle le fût à partir du sous-développement et porte sur les effets possibles et désirables – tels qu’ils pouvaient résulter des faits vécus, enregistrés, interprétés – de l’action de l’Armée à l’intérieur du corps social. Il nous semble en effet que cette méthode aurait permis de mieux faire comprendre les limites, les modalités, la nature de l’action extra-militaire de l’Armée, et de mieux faire apparaître également ce que représente l’Armée dans un milieu social donné.
Car dans ce colloque de Dijon, l’Armée s’est montrée comme une entité assez semblable à elle-même, quelques que soient les conditions de son recrutement, de son organisation, de sa mission strictement militaire. Cette vue n’est pas entièrement erronée certes, car toutes les armées des pays du Tiers-Monde (en dehors des pays communistes, qui, malheureusement, n’ont pas été étudiés) sont les héritières des armées européennes dont elles portent l’empreinte ; il est donc normal qu’elles aient entre elles de nombreux points de ressemblance. Cependant, nous doutons que l’idée que l’on se fait de l’Armée dans ces différents pays soit la même. Sans doute aurait-il été possible de catégoriser les armées suivant les similitudes ou les analogies du rapport armée-milieu social, dont dépend certainement, à notre avis, le rôle effectif que l’Armée peut avoir dans des activités extra-militaires.
Il était bon, cependant, que le sujet fût étudié, de façon approfondie, comme il l’avait déjà été à l’étranger. L’Armée, par sa seule existence, joue un rôle trop important dans la vie d’un pays pour qu’elle puisse être négligée ; elle peut aussi, par inexpérience, commettre trop d’erreurs si les effets de son intervention hors de son domaine propre ne sont pas connus, et à l’inverse, apporter au corps social trop de bienfaits si elle est bien dirigée, pour que ses possibilités ne soient pas soigneusement déterminées.
Ce livre intéressera certainement les militaires, mais aussi les hommes politiques et tous ceux qui, pour quelque raison, ont besoin d’être informés sur le Tiers-Monde.