Histoire économique de la France entre les deux guerres. T. I : 1918-1931
Les faits économiques et leurs conséquences sur la vie et la destinée d’un pays et d’une nation, s’ils continuent d’être mal connus, ne sont plus ignorés, même du grand public, car ils ont pénétré dans l’existence de chacun, en l’orientant et en la modifiant suivant les circonstances. Il n’en était pas de même au moment de la Grande Guerre, alors que ces faits intervenaient dans la vie nationale et internationale sans que personne pût en discerner les données premières et a fortiori les implications.
Ce que raconte Alfred Sauvy, c’est en somme le drame de l’ignorance, d’un analphabétisme économique qui rendait les citoyens, la plupart des élus et une bonne partie des dirigeants incapables de comprendre les phénomènes auxquels ils assistaient et donnaient encore des explications passionnelles, sentimentales ou partisanes. Aussi, notamment en France, les pertes dues à la guerre, s’ajoutant au vieillissement de la population, allaient-elles créer dès la fin des hostilités et dans l’euphorie de la victoire, qui la masquait, une situation difficile qu’il fut impossible de redresser. Peu à peu, le franc s’effondra, les revendications sociales s’exacerbèrent, le capitalisme continua de combattre pour assurer le maintien de ses privilèges. Nul prophète ne vint éclairer les uns et les autres, et les remèdes qui furent apportés momentanément, ne touchant pas le fond de la blessure ni les causes réelles de la maladie, n’eurent que des effets temporaires, fugitifs, au demeurant presque dérisoires.
De même que les Français du XIXe siècle avaient cru que la famille à deux enfants ou à enfant unique conduirait à un enrichissement certain et à un mieux-être de leurs descendants, faisant ainsi une erreur fondamentale, de même l’Angleterre, fidèle à sa politique traditionnelle de soutenir en Europe continentale l’État le moins fort contre l’État le plus puissant, se trompa-t-elle en estimant que l’État le plus fort était la France, ce qui était peut-être l’apparence, mais non la réalité ; ainsi l’Allemagne, bien que vaincue, demeurait dans une position favorable. De graves erreurs étaient donc commises, au fond par bonne foi : elles devaient se montrer lourdes de conséquences dans l’avenir.
Ce premier tome en annonce deux autres : l’un sera consacré à la période 1932-1939, l’autre groupera les études sur les grands problèmes économiques de l’époque.
De nombreuses annexes le complètent, fournissant de très nombreux renseignements statistiques en même temps qu’une inépuisable mine de références.
Un livre important, qu’il faut lire pour comprendre l’histoire d’un passé récent et le legs qu’il nous a laissé et qui constitue le fondement de notre actualité. ♦