Les Américains face au Viet-Cong
Dans la première partie de cet ouvrage, l’auteur montre les Américains au Vietnam, tels qu’il les a vus au cours de ses voyages et dans les opérations militaires auxquelles il a assisté ; dans la seconde, il s’efforce de décrire ce qu’est le Viêt-Cong, à partir de déclarations de prisonniers ou de ralliés.
C’est sans conteste, nous semble-t-il, dans la première partie que réside essentiellement l’intérêt de ce reportage de grande classe. Fernand Gigon décrit ce qu’il a vu avec une puissance évocatrice extraordinaire, et dans un style qui font de plusieurs pages de véritables morceaux de littérature épique. Tous ceux qui ont combattu en Indochine reconnaîtront l’ambiance du pays et de la guerre qu’on y mène, authentiquement restituée ; ils se passionneront pour la description de la machine de guerre américaine, dont les forces que nous avions déployées sur les mêmes champs de bataille n’étaient qu’une pâle préfiguration ; mais ils constateront que, toute puissante que soit l’armée venue des États-Unis, elle se heurte aux mêmes obstacles, aux mêmes difficultés, aux mêmes déceptions que nous avons connues, parce que le pays et l’ennemi restent les mêmes dans leur nature profonde. Ce sont les mêmes rizières, les mêmes forêts, les mêmes entrelacs de rivières. C’est le même adversaire coriace, courageux, insaisissable, obstiné, dont l’ardeur est décuplée par l’endoctrinement qu’il reçoit.
Fernand Gigon, de nationalité suisse, juge les Américains sans passion, mais aussi sans particulière bienveillance. Il reprend, en le leur appliquant, un mot qui fut célèbre du temps du Corps expéditionnaire français [en Extrême-Orient (CEFEO)] en Indochine : « Un Viet est un Vietnamien mort ». Peut-être n’est-il pas de phrase qui résume plus cyniquement la cruauté de la guerre en Extrême-Orient. Et l’impression que retire le lecteur n’est pas celle d’une prochaine victoire américaine.
Comme dans bien d’autres guerres, mais plus particulièrement dans celle-là, le dernier mot sera à celui dont les nerfs tiendront le plus longtemps. ♦