Les États-Unis et les nations prolétaires
Il y a longtemps que le poète a dit : « Vous m’avez fait, Seigneur, puissant et solitaire… ». C’est la même idée qu’exprime l’auteur en parlant des États-Unis, dans cet essai à peine plus long qu’un article de revue, essai brillant qui fait naître chez le lecteur des sentiments contradictoires : étonnement, intérêt, réprobation, approbation.
Il comprend schématiquement deux parties : l’une analytique, la seconde constructive. La première expose que les États-Unis sont proches du Tiers-Monde par leur climat, leurs productions, leur sol, sur une large part de leur superficie. Ils se sont fait les champions de l’anticolonialisme par intérêt sans doute, mais plus encore par sentiment spontané envers des peuples qui, comme le leur, aspiraient à l’indépendance. Aussi, dans le Tiers-Monde, ont-ils longtemps bénéficié d’un préjugé favorable. Mais devenus les leaders de l’Occident, les leaders riches, ils ont provoqué à la fois la méfiance et l’envie, en voulant imposer à des pays auxquels rien ne permettait d’atteindre rapidement leur niveau, une règle de vie inaccessible. Grands, certes, mais trop grands… De plus, ils sont condamnés à résoudre sur leur propre sol un problème de nature « coloniale » dans la mise en valeur des terres et plus encore dans le règlement de la question raciale. Que peuvent attendre les pays « de couleur » d’un pays qui ne peut, chez lui, arriver à une solution rapide du problème des races ? Aussi ont-ils un lourd handicap.
La seconde partie est une suite de conseils aux Américains, Elle paraîtra peut-être prétentieuse. Il leur faut, dit l’auteur, admettre leur isolement, rançon de leur grandeur et de leur place prééminente dans le monde ; se désengager du Vietnam et du Congo ; accélérer l’intégration raciale, se réconcilier avec Cuba ; admettre qu’il existe deux Amériques, l’une anglo-saxonne, l’autre « indo-américaine » ; ne pas tomber dans le piège d’un néo-colonialisme ; ne pas continuer l’aide aux pays sous-développés suivant les méthodes actuelles, mais en la « laïcisant », c’est-à-dire en abandonnant le mythe de la philosophie occidentale, coopérer avec l’Europe…
Tous conseils excellents, certes. Mais la question n’est-elle pas justement de les faire admettre ?… ♦