Histoire du réarmement allemand depuis 1950
« Le réarmement inutile de l’Allemagne est un exemple du manque de maturité des Nations et des peuples du XXe siècle ». Sur cette phrase, se termine le livre de M. Jules Moch ; elle en résume à la fois la thèse et la philosophie.
Dès la première page, l’auteur avait ainsi clairement défini son opinion sur ce réarmement : « 1°/ Il apparaît en tout point contraire aux engagements souscrits entre Alliés, à la veille et au lendemain de leur commune victoire. 2°/ Il forme un maillon de la longue chaîne de violations successives et alternées des accords, dont chacun se justifiait ou s’excusait par la précédente. 3°/ Ce réarmement s’est fait, au moins initialement, contre le gré du peuple allemand. 4°/ Après un démarrage lent et riche en négociations prolongées, il a été réalisé à une vitesse-record. 5°/ Aucune mesure n’était davantage de nature à exacerber les tensions Est et Ouest. 6°/ Aucune mesure n’était plus vaine et plus inutile, à l’époque où elle fut entreprise, et depuis lors ».
Ces deux citations suffisent à elles seules à faire comprendre au lecteur la position de l’auteur sur un des plus importants problèmes mondiaux. M. Jules Moch estime que le réarmement allemand présente un passif beaucoup plus lourd que l’actif, maintenant qu’il est réalisé. Il conteste l’actif que serait l’existence de douze divisions allemandes « conventionnelles » dans une guerre nucléaire dont la décision serait obtenue par des opérations stratégiques ; il estime que si ces divisions étaient dotées d’armes nucléaires le risque d’escalade serait encore plus grand ; il conclut : « l’accroissement de sécurité résultant de la levée des divisions allemandes ne compense pas l’insécurité politique qu’entraîne leur création ». Il juge en outre que plus l’Allemagne fédérale (RFA) est militairement forte, plus grande est la tentation des pays de l’Est de l’amener à se joindre à eux, dans une réunification qui se ferait contre les Occidentaux. Mais il reconnaît que, bien qu’inutile, ce réarmement « n’a pas été non plus aussi nocif que l’avaient prédit ses adversaires les plus acharnés », n’a pas conduit à une pression exagérée des milieux militaires allemands sur le gouvernement, mais reste « un gouffre de dépenses sans fond, mais aussi sans efficacité pratique ! »
Sur ces thèmes, l’ouvrage contient des mémoires détaillés de celui qui fut un des principaux responsables français dans toutes les discussions menées entre alliés sur la question. La précision des souvenirs de l’ancien Président du conseil lui permet de faire des descriptions minutieuses des séances au cours desquelles s’affrontaient des avis contraires. À ce titre, il est un témoignage de première main à verser à l’histoire de notre temps. ♦