Le Marxisme et l’Asie (1853-1964)
Ce volume contient une étude étayée sur de nombreux textes qui en occupent près des deux tiers des pages. L’étude, assez austère, porte sur un des problèmes les plus importants et les plus complexes de notre époque : l’utilisation du marxisme par les peuples asiatiques, en fonction de leurs propres traditions et de leurs propres conceptions du monde. Karl Marx n’envisageait-il pas la libération et le développement des pays colonisés en droit ou en fait que par une « européanisation » qui aurait conduit fatalement à un remaniement des valeurs locales ? Or l’histoire des cent dernières années montre que ces phénomènes s’effectuent suivant des aspirations différentes. L’industrialisation, la transformation agraire, l’organisation administrative et même la morale s’inspirent obligatoirement de modèles européens. La difficulté, pour les peuples que concernent ces évolutions à tout prendre rapides, est de ne pas se résoudre à une imitation, qui serait mal adaptée à leurs besoins profonds.
Ainsi y a-t-il crise au sein du communisme, non seulement pour des raisons de rivalités de personnes, qui pourraient n’être que secondaires, non seulement pour des rivalités d’intérêts nationaux, plus difficilement solubles, mais à cause de conditions fondamentales. « Il se pose, aujourd’hui, écrivent les auteurs, au sein du monde communiste naguère supposé monolithique, des problèmes psychologiques assez analogues à ceux qui troublent les rapports entre anciens colonisateurs et anciens colonisés, au sein de l’univers capitaliste ». Les révolutionnaires européens, en transformant leur doctrine en Asie, admettent mal que l’Asie en fasse sa chose et cherche à s’en servir pour créer une société originale.
On voit aisément combien ce thème est riche, mais rebelle à toute analyse au moment où il se développe dans les événements de l’actualité la plus immédiate. Les auteurs ont apporté le maximum de lumière sur le sujet, sans entrer évidemment dans le jeu dangereux des pronostics sur l’évolution future. ♦