La débâcle allemande
Parmi les livres écrits sur la guerre, celui-ci frappe par le récit des horreurs qu’elle a entraînées. Il s’agit de la débâcle allemande devant l’armée soviétique, de son reflux sur le territoire du Reich, dans une apocalypse dont la description minutieuse devient rapidement hallucinante. Employant une méthode déjà utilisée par beaucoup de ses devanciers, l’auteur met successivement en scène les personnages les plus divers, soldats, généraux, ministres, civils, réfugiés errant sur les routes. Mais un personnage domine : Hitler, que l’on voit dans sa décrépitude et dans sa folie, dans son isolement et dans ses fureurs. Il entraîne le peuple allemand dans un effondrement qu’il devine et auquel il se refuse à croire, se nourrissant jusqu’au bout de ses illusions, jouant son rôle et voulant terminer dans une sorte d’apothéose tragique, comme s’il avait eu encore le souci du public qui l’acclamait au temps de son apogée.
C’est un récit qui restitue davantage une ambiance qu’une histoire détaillée des faits. Au fond, ceux-ci importent peu : que des soldats meurent bravement, sans savoir ou en sachant fort bien que leur patrie est condamnée, que des populations entières prennent le chemin de l’exode, que dans les villages occupés par les vainqueurs des femmes soient violées, des enfants massacrés, ce ne seront là que des incidents dans l’immense drame de l’Allemagne aux abois. Mais cette ambiance de fin du monde, d’inexorable accomplissement d’un destin implacable, ce désespoir qui semble ne point avoir de remède, c’est cela qui constitue vraiment la défaite.
Et c’est sans doute cela qui donne une marque particulièrement sensible à ce livre, dont on peut penser que les lecteurs, même lorsqu’ils auront oublié les détails qui y sont relatés, conserveront longtemps une forte impression. ♦