Un étudiant africain en Chine
Parmi les témoignages sur la Chine communiste, celui-ci est particulièrement original. Il émane d’un étudiant ghanéen qui partit à Pékin pour y étudier la médecine, mais revint dans son pays bien avant la fin de ses études, dégoûté du régime, doutant de la valeur des études qu’il poursuivait, et convaincu que la discrimination raciale, qu’il pensait ne pas exister dans un pays de couleur, y était plus virulente qu’ailleurs.
C’est dire que ce livre n’est pas à la louange de la Chine communiste, où selon l’auteur, on ne rencontre que déceptions, mensonges et misère, dans tous les domaines, qu’il s’agisse d’organisation sociale, de réalisations économiques, d’existence courante et quotidienne. Laissons à Emmanuel Hévi la responsabilité de ce jugement, mais notons que son œuvre est écrite fort simplement, presque naïvement, pourrait-on dire, avec une modestie qui frappe. Le but poursuivi n’est pas seulement la description de la Chine de Pékin, telle que put la faire un homme jeune qui y a vécu, qui est arrivé dans l’enthousiasme et la bonne foi d’un premier contact avec un monde nouveau, y a beaucoup voyagé et a dû constater la différence entre ses rêves et la réalité. Emmanuel John Hévi veut surtout mettre en garde les Africains contre l’engouement pour le communisme chinois et éviter à son pays et aux autres États nouvellement indépendants une expérience semblable à celle qui se déroule implacablement en Chine. Il estime que ce qu’il a vu en Extrême-Orient serait dangereux pour l’Afrique et ne correspond ni à ses aspirations, ni à ses habitudes de vie, ni à ce qui, dans la période coloniale, s’est montré bénéfique et reste un acquis de valeur. Il semble ne pas même pouvoir envisager un compromis entre le régime communiste et ce qu’il souhaite pour l’Afrique. Ayant été dupé, il veut que ses frères de race ne le soient pas. C’est ce qui donne à ce livre une portée plus grande que le serait le seul récit d’une désillusion de jeunesse. ♦