Crise Atlantique
L’histoire fort complexe des relations entre Alliés au sein de l’Otan, notamment entre les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne fédérale (RFA) et la France, au cours de ces toutes dernières années, appellera sans doute plus tard l’attention des chercheurs. Robert Kleiman, journaliste spécialisé dans les affaires européennes, chargé d’établir un exposé pour les membres du « Conseil des Affaires étrangères », ne se leurre pas quand il mesure les limites de son travail ; mais il le juge cependant utile, car il a pu interroger des témoins de ces diverses réunions internationales au cours desquelles les diplomates ont tenté de prévenir, puis de régler ou tout au moins d’atténuer la crise atlantique. Son livre est détaillé, tout en restant cependant clair et tout en étant dégagé de considérations annexes. Il conduit vraiment le lecteur au cœur de la question.
Ce n’est pas seulement à un historique que le lecteur se trouve convié. L’auteur a voulu définir ce que pourrait être une politique américaine tenant compte des réalités européennes, matérielles et psychologiques. Nous ne saurions mieux faire, nous semble-t-il, pour donner de ce livre une impression exacte, que de reproduire un paragraphe de son dernier chapitre :
« Si les États-Unis veulent obtenir la coopération de de Gaulle, il leur faudra procurer du prestige à la France, directement ou par la personne de son Président. On obtiendra de cette manière de la coopération, et à peu de frais. Le prestige importe beaucoup au Général. Il le considère comme le “ressort-moteur” du “leadership” ; et celui-ci, ce “leadership” de l’Europe, est l’un de ses buts principaux. Le “leadership” de la France en Europe pourrait jouer maintenant dans le sens des intérêts des États-Unis, autant qu’il y a dix ans, lorsque Washington l’encourageait activement. Voilà ce que les États-Unis devraient se préparer à appuyer, s’il s’agit, bien entendu, de l’autorité du premier parmi des égaux et non d’un prétexte à domination, et si l’on connaît clairement dès le début l’objectif que l’on veut assigner à l’Europe. Dans ces conditions, l’Allemagne de l’Ouest sera prête à marcher aux côtés de la France. Les nouveaux maîtres de l’Allemagne veulent l’amitié de la France, voie qui les mènera à l’Europe unie, et aussi à une alliance étroite avec les États-Unis, leur protecteur militaire. Ils ne veulent pas choisir entre Paris et Washington. Il est de leur intérêt, au contraire, de rapprocher les États-Unis de la France, et ils sont prêts à faire beaucoup pour arriver à cette fin ».
L’auteur prévient que s’il a souvent épousé les thèses européennes et françaises, il reste américain. Il est partisan de la création en Europe d’une entité politique capable de partager avec les États-Unis le poids et la responsabilité de la défense de l’Occident. « Mais la clef du succès, écrit-il, réside dans un partage progressif des pouvoirs de décision en même temps que des charges financières qu’entraîne la responsabilité du monde libre ».
Ouvrage, on le voit, d’une grande actualité. ♦