La guerre de Corée
Voici la première étude d’ensemble consacrée à une guerre qui parut à beaucoup marginale parce qu’elle se déroulait au loin, mais qui dura trente mois et causa un million de victimes. Il était difficile de traiter un tel sujet ; les événements sont récents, complexes par nature, englobent des opérations militaires, des pourparlers diplomatiques, des attitudes nationales qui interfèrent. L’auteur n’a pas entièrement réussi à se dégager d’une certaine confusion dans l’exposé de facteurs aussi divers ; son travail aura besoin d’être repris, soumis à une analyse plus serrée et présenté de façon plus claire. Mais cette critique paraît inéluctable et ne porte pas sur la qualité d’une œuvre qui était nécessaire.
Le lecteur y trouvera les renseignements qu’il peut désirer sur cette guerre, même s’il doit les chercher, le crayon à la main, dans plusieurs parties de l’ouvrage. Il aura à juger des opinions de l’auteur sur la stratégie américaine, et notamment sur les conceptions du général MacArthur, pour lequel Robert Leckie est souvent sévère, en lui reprochant son optimisme inconditionnel. Il sera surpris des erreurs considérables commises par le service des renseignements américains, qui, lorsque les forces chinoises entrèrent en jeu, prirent l’armée régulière pour des groupements de volontaires et décelèrent un bataillon là où se trouvait une division. Il suivra avec intérêt le reportage des pourparlers interminables de Kaesong.
La guerre de Corée a paru à beaucoup se terminer par un échec pour les Nations unies, puisque les forces adverses n’avaient pas été anéanties et que les deux régimes, le communiste et le démocratique, restaient finalement en présence. Voici comment l’auteur s’exprime sur ce point : « Et bien que la Corée ne fût ni cette merveilleuse victoire ni cette défaite misérable auxquelles un demi-siècle de guerres totales avait habitué le monde, elle fut, néanmoins, un triomphe pour les Nations unies. En Corée, l’invasion fut repoussée, et de façon telle qu’elle rappelle au monde qu’un envahisseur n’a pas besoin d’être détruit pour être repoussé. Grincer des dents parce que l’envahisseur a évité la destruction, c’est se laisser surprendre par ce concept de “guerre totale” qui n’est plus possible désormais sans une destruction mutuelle totale. De la Corée il suffit de dire : c’est là que le communisme a connu sa première défaite. C’était la seule victoire possible ».
Souhaitons qu’on ne juge pas l’optimisme dont fait preuve Robert Leckie avec la sévérité qu’il apporte lorsqu’il juge de l’optimisme de MacArthur. ♦