Adolf Hitler. T. I et II.
Les qualités bien connues des auteurs se retrouvent dans ce livre : vivacité et clarté du récit, notes pittoresques et caractéristiques, enchaînement logique et rapide du raisonnement. Cependant, on y sent une colère contenue, qui transparaît par moments et transforme certaines pages en réquisitoires. Ces deux tomes seront suivis d’un troisième. Ils nous conduisent au seuil de la guerre, et racontent la vie et les actes de Hitler depuis son enfance jusqu’à Munich. C’est, en raccourci, l’histoire de l’Europe, car la vie privée du Führer ne se dissocie guère de sa vie publique, et celle-ci, dès qu’elle s’étend aux grandes affaires, fait corps avec le monde.
Les auteurs dépeignent un Hitler conscient des crimes qu’il va commettre et faire commettre, s’engageant volontairement, par des ruses machiavéliques où le mépris des autres hommes semble être le principal moyen de réussite, dans le cataclysme mondial, sans percevoir toutefois qu’il y trouvera la mort et y provoquera le désastre de son pays. Près de sa figure vivement coloriée, les autres acteurs, allemands ou étrangers, font piètre mine : des imbéciles, des naïfs, des tarés. Il n’est pas tellement certain que l’histoire, lorsqu’elle aura pris un suffisant recul, ratifiera un jugement aussi incisif, aussi dépourvu de nuances. Mais le lecteur se sent emporté par le texte, jusqu’à ce qu’il ait refermé le livre à la dernière page.
Œuvre de passion plus qu’œuvre historique, le Adolf Hitler de Pierre et Renée Gosset reste pourtant une œuvre nécessaire. Même si les processus par lesquels cet homme hors série accéda au pouvoir et s’imposa à un peuple qui le suivit longtemps avec enthousiasme sont ici présentés de façon simplifiée, même s’il est injuste de peindre tous ceux qui ont approché Hitler comme des pleutres, il était bon que fut reprise à gros traits cette histoire aberrante du succès d’un dictateur en plein XXe siècle et dans un pays civilisé. Elle ne peut que porter à de saines méditations sur la fragilité de la logique et du bon sens, sur la force des passions élémentaires, sur la puissance du Mal contre le Bien. ♦