Les généraux du Désert
En faisant les portraits des cinq généraux britanniques qui se sont succédé à la tête de la 8e Armée, dans le désert de Libye, Correlli Barnett est évidemment conduit à écrire l’historique des opérations, vues du côté anglais. Ce livre contient donc d’abord le récit, déjà souvent fait des avances et des replis de la 8e Armée entre le golfe de Syrte et la frontière égyptienne. Les opérations militaires ne constituaient pas le sujet principal de l’ouvrage ; il n’en est pas moins regrettable que leur relation ne fasse pas une part suffisamment importante aux problèmes logistiques, qui dominaient l’action sur le champ de bataille, et soit par suite très incomplète.
Mais c’est essentiellement le caractère et les décisions des généraux commandant l’armée qui sont étudiés. L’auteur ne cache pas ses sympathies, et moins encore ses antipathies. Il réhabilite les généraux O’Connor et Auschinleck, qui eurent à subir des critiques sévères au moment des événements, et dont le second fut, d’après l’auteur, sacrifié à la couverture des erreurs de Churchill. Les généraux Richtie et Cunningham font l’objet d’un jugement nuancé, dans lequel domine cependant une appréciation plutôt défavorable. Quant au dernier de ces grands chefs, le célèbre Montgomery, c’est sans aucune indulgence qu’il est traité, et le portrait qui en est tracé par Correlli Barnett tourne à la caricature ; certes, les manies sont un sujet facile de dérision ; mais l’auteur expose que la bataille d’El-Almein fut conçue et préparée en dehors de Montgomery, avant que celui-ci ait mis le pied en Afrique du Nord et laisse clairement entendre que le général Montgomery n’y eut pratiquement aucune part et se contenta de récolter les fruits plantés par ses prédécesseurs. On pourrait répondre à l’auteur par la célèbre boutade de Joffre à propos de la Marne : « Je ne sais pas qui a gagné la bataille, mais je sais bien qui l’aurait perdue ».
Ce livre ne manque donc ni de pittoresque, ni d’arêtes vives. Il se lit facilement. Au lecteur, bien sûr, de porter à son tour un jugement sur les jugements de l’auteur. ♦