L’Allemagne et l’Europe
Robert d’Harcourt, en suivant dans le détail l’histoire de l’Allemagne au cours des années 1958 et 1959, s’efforce de répondre à la question : « Où va l’Allemagne ? ». La réponse est, sinon pessimiste, du moins teintée de mélancolie : l’Allemagne, c’est la volonté du Chancelier Adenauer de demeurer dans l’Otan et d’offrir à l’invasion des idées comme des armées communistes une résistance acharnée ; mais l’Allemagne, c’est aussi « l’Allemand moyen », qui est las de la séparation de son pays en deux, qui a l’impression que les États-Unis, après avoir misé sur lui, cherchent à s’entendre avec l’URSS à son détriment peut-être ; l’Allemagne, c’est tout ensemble l’implacable décision du vieil homme d’État, ce « miracle physiologique » et l’amertume désabusée de l’homme de la rue.
Aussi, le destin de l’Allemagne reste-t-il bien incertain. La lutte acharnée qui a été conduite contre M. Adenauer par les partis d’opposition s’est calmée après l’échec de la conférence au sommet, du fait de M. Khrouchtchev. Mais l’événement est trop récent pour qu’il en puisse être tiré des conclusions fermes.
La France vue d’Allemagne, au cours de ces deux années, a été personnifiée par le général de Gaulle. D’abord craint, puis caricaturé et critiqué outre-Rhin, le général de Gaulle s’est imposé aux Allemands qui ont réfléchi sur l’accueil qui lui a été fait en Angleterre et aux États-Unis. Or la France, pour l’Allemagne de l’Ouest placée devant la menace communiste, c’est l’alliée nécessaire.
L’Allemagne comprendra-t-elle qu’elle doit rester « européenne » et ne pas se laisser soviétiser, si elle veut continuer à vivre comme un pays libre ? C’est au fond, la grande question du livre de Robert d’Harcourt, question sans réponse certaine, comme est sans réponse certaine l’objurgation du vieux chancelier sur « les conséquences incalculables qu’aurait pour la liberté du monde un changement d’orientation dans la politique extérieure de l’Allemagne ». ♦