La IVe République
Il est évidemment impossible d’écrire actuellement une histoire de la IVe République. C’est certainement même une entreprise hardie que d’essayer, comme l’a fait Jacques Fauvet, d’en donner une chronique condensée. Les lecteurs en jugeront suivant leurs propres réactions, trop présentes encore pour qu’elles puissent céder la place à l’objectivité.
La IVe République est morte, écrit l’auteur, de n’avoir pas su régler le problème de la décolonisation, imposée par l’évolution du monde : d’avoir souffert d’une instabilité gouvernementale qui lui a valu la désaffection du pays ; d’avoir vu les militaires entrer dans le jeu politique ; de n’avoir pas cru elle-même à sa pérennité, ou tout au moins à sa durée.
On peut reprocher à Jacques Fauvet de n’avoir pas démontré, de façon précise, les effets de ces différentes causes. Il a centré son ouvrage sur l’histoire des luttes parlementaires. On a condamné « l’histoire-batailles » pour qu’elle ne donne pas à la jeunesse le goût de la guerre ; on pourrait aussi condamner l’« histoire-chicanes » pour n’inciter personne à la continuer. À lire cette succession de luttes mesquines, de rivalités personnelles, d’oppositions sordides sur des questions d’intérêt mineur, on éprouve un écœurement et une lassitude, presque une surprise aussi que la France en ait été si longtemps réduite à « ça ».
Il n’est pas étonnant qu’un journaliste politique ait mis l’accent sur ce qui fait l’objet de ses observations quotidiennes. Mais il nous semble que l’histoire de la IVe République peut s’expliquer aussi – et largement – par la situation mondiale à la suite de la dernière guerre. Jacques Fauvet n’en fait guère mention que pour expliquer certains comportements de politique intérieure. Certes, s’il est trop tôt pour écrire l’histoire de ces dernières années, il est a fortiori beaucoup plus prématuré d’en dégager les grandes lignes, d’en tirer en quelque sorte une philosophie. Nous pensons toutefois que l’éclairage sous lequel l’auteur présente son livre est trop restreint ; il était certainement possible d’allumer plusieurs projecteurs qui auraient permis de mieux voir la scène et les acteurs.
Ce livre mérite d’être lu, comme un premier essai de synthèse sur une période que nous avons tous vécue et sur laquelle nous nous sommes tous – et souvent – interrogés.