Pierre le Grand
Solide ouvrage historique, bien construit, bien équilibré, très vivant et très agréable à lire, le Pierre le Grand de Henry Valloton enrichit certainement une collection historique déjà riche en livres de qualité.
La figure de l’Empereur de Russie y est présentée sans indulgence et sans sévérité excessives, avec une objectivité remarquable, car il est bien difficile de rester objectif devant la personnalité complexe du tsar. Ses qualités et ses défauts, ses grandes œuvres et ses crimes s’opposent si violemment, attirent et répugnent si vivement, qu’il faut savoir gré à l’auteur d’avoir présenté de son héros un tableau aussi complet. Dans sa conclusion, Henry Valloton apporte sa conclusion personnelle ; c’est un jugement que ne prépare nullement l’ensemble du livre, au cours duquel le lecteur a pu, librement et suivant ses propres réactions, prendre une idée du personnage et avoir sur lui une opinion. Celle de l’auteur est que Pierre mérite d’être appelé « le Grand » : « par son œuvre, Pierre le Grand mérite notre admiration. Comme homme et comme père, il ne saurait avoir nos cœurs ».
Voltaire avait voulu prouver qu’avant Pierre le Grand, la Russie n’existait pas. Henry Valloton estime au contraire que Pierre a utilisé et transformé, pour faire entrer la Russie dans le monde moderne et dans le concert des nations, des idées et des choses qui existaient avant lui. Et ce n’est là nullement diminuer le tsar.
En effet, le principal mérite de ce livre est sans doute de montrer comment la forte personnalité de l’Empereur agit dans le milieu de l’immense Russie, comment sa volonté s’exerce sur un peuple tout entier, comment son activité se dépense dans tous les domaines. Le portrait de Pierre le Grand s’inscrit, en se surimposant à celui de la Russie de la fin du XVIIe siècle, sur une toile de fond vivante, animée, aux couleurs violentes.
L’auteur fait peu d’allusions aux comparaisons que l’histoire de ce temps peut faire naître avec les événements contemporains. Mais le lecteur comprendra certainement mieux ceux-ci, à la lumière de celle-là. Ce n’est pas le moindre enseignement qu’il puisse tirer de ce livre dense, fourni de faits, riche d’idées, dont la lecture apporte à l’esprit, outre des connaissances, des références. ♦