Les Convoyeuses de l’air
Au début de l’année 1945, l’armée de l’air met sur pied le Groupement des moyens militaires de transport aérien (GMMTA) pour faire face aux demandes de transport de fret et de passagers. C’est alors que Marie-Thérèse Palu crée le corps des « Convoyeuses de l’Air ».
Dans une préface chaleureuse et émouvante, le général d’armée aérienne Martial Valin, qui fut un des premiers à comprendre et à aider les « Convoyeuses de l’Air », apporte à Marie-Thérèse Palu la reconnaissance de l’Armée de l’air pour ses « volontaires dont on peut dire… qu’elles ont bien mérité de la Patrie ».
Dans une première partie, l’auteur nous relate les débuts de ce corps. Des infirmières, pilotes, secouristes de l’air de la Croix-Rouge française et les Forces féminines aériennes du service de Santé de l’air ont la mission de convoyer en vol les rapatriés d’Allemagne, déportés, prisonniers, STO. Du 26 mai au 31 octobre 1945, près de 10 000 déportés, 7 500 prisonniers et plus de 3 500 STO sont ainsi pris en charge par ces personnels féminins.
Grâce à sa ténacité Marie-Thérèse Palu a groupé en corps constitué une vingtaine de convoyeuses qui dès 1946 font partie intégrante des équipages militaires des lignes régulières ou des transports « à la demande » et, en un an, totalisent le prestigieux record de 21 236 heures de vol.
Après quelques mois d’essais et de tâtonnements, elle parvient à l’ériger en groupe autonome, à le réglementer, à le normaliser et à lui donner un statut que justifie l’efficacité des services rendus : « Nous avons des malades à convoyer, nous serons infirmières… Nos passagers ont besoin d’interprètes, nous parlerons anglais… Une visite médicale au centre d’examen du personnel navigant décidera de notre aptitude… Nous sommes appelées à convoyer des personnalités, notre culture sera suffisante pour faire de nous des hôtesses averties et agréables… L’aviation demande des éléments jeunes, il y aura une limite d’âge… »
Un concours est créé, les promotions se succèdent, le petit groupe du début, boudé et suspecté, s’officialise, prend vie administrative autonome et se voit attribuer un budget.
Un autre mérite de ce livre est de nous montrer non seulement la vie d’un petit groupe, mais de l’insérer dans un cadre plus général et de nous faire revivre la vie des équipages des différentes armes qui composent l’armée de l’air.
La deuxième partie de l’ouvrage commence par l’année 1947 : les « Convoyeuses de l’Air » sont en Indochine au service des blessés. Elles sont de tous les voyages, de toutes les missions qui les conduisent dans ces postes aux noms douloureux ou glorieux encore dans toutes les mémoires : Lao-Kay, Hoa-Binh, Nasan, Nam-Dinh, Bien-Bien-Phu, etc. Mais leur dévouement demeura obscur : on ne fait guère de bruit autour des catastrophes, des désastres. Les miracles devenus quotidiens restent dans l’ombre, et cependant « pendant cette période, tous les avions sanitaires sont arrivés à bon port », nous rappelle le général Valin. Plus de 20 000 blessés furent convoyés par leurs soins pendant les neuf derniers mois de cette campagne.
Remarquablement illustré, un tel livre ne se résume pas. Marie-Thérèse Palu nous apporte un témoignage vécu et vivant, car c’est un véritable livre de bord dans lequel se retrouveront tous les équipages ayant servi en Extrême-Orient. Son ouvrage est riche de cette chaleur et de cette ironie souriante que seule peut donner une haute conception de la mission à remplir, de l’idéal à servir, du travail en équipe à accomplir. Nombre d’anecdotes permettront à tous « ceux de l’air » de se reconnaître.
Tant est grande une habituelle soumission à un idéal, que la première des « ipistrelles » n’a pu faire autrement que d’écrire son livre comme elle aurait accompli un convoyage de blessés : avec modestie et efficacité. Sa raison d’être étant de servir, l’effort personnel cède le pas à l’esprit d’équipe et surtout à « l’esprit d’équipage ». Rendons-lui justice et inclinons-nous devant de tels « gestes » qui rehaussent l’éclat des ailes françaises et la gloire de notre Nation. ♦