La vie de conspirateur (1793-1797)
La Révolution n’a pas cessé d’avoir le sentiment d’être trahie ou du moins espionnée. La « conspiration de l’étranger » fut une des premières formules gravées dans le vocabulaire politique du temps, un thème oratoire constant à la tribune des clubs ou de l’Assemblée. Les gouvernements anglais, espagnol, ainsi que les émigrés, avaient gardé à Paris des yeux et des oreilles ; et la poste n’était pas si étroitement surveillée qu’elle ne laissât filtrer toute une correspondance clandestine, messages anonymes, bulletins d’information confidentiels, chroniques secrètes des milieux politiques et des couloirs parlementaires.
Un aventurier, le comte d’Antraigues, avait en émigrant laissé derrière soi à Paris un groupe de quatre personnes, chargées de récolter et de lui transmettre des renseignements tracés à l’encre invisible dans les interlignes de lettres insignifiantes. Cette agence d’espionnage s’amplifia et finit par envelopper la France entière dans un réseau de propagande anti-révolutionnaire, ayant pour objet, entre autres, d’influencer les élections. Sous le Directoire, cette conspiration faillit mettre le régime en péril, parce qu’elle avait su épouser et coordonner toutes les doléances d’un peuple excédé de la Révolution. Elle échoua, parce que dans l’épreuve de force qui suivit, le dernier mot resta, comme toujours, aux vieux techniciens révolutionnaires.
Certains des agents royalistes succombèrent aux séductions de la police ; d’autres allèrent misérablement finir leur carrière dans les marais de la Guyane. ♦