Contre-guérilla
Sous le pseudonyme de Pierre Rolland, un de nos collaborateurs – dont nos lecteurs ont pu apprécier les études sur la guerre révolutionnaire – vient de faire paraître un ouvrage intitulé : Contre-guérilla.
L’un de ses articles, publié dans notre revue, apportait une contribution importante à l’édification d’une méthode de lutte destinée à tenir en échec les procédés utilisés par les organisations révolutionnaires.
Dans son livre – qui se lit comme un roman – Pierre Rolland développe cette méthode de pacification, connue sous le nom d’autodéfense des populations, telle qu’il l’a expérimentée lui-même.
« Une expérience de pacification », tel aurait pu être le titre de cet ouvrage.
Pacification : action de rétablir la paix…, dit le Larousse. Et le rétablissement de la paix dans une région troublée exige la mise en œuvre de systèmes particuliers dans les différents domaines politique, économique, social… et militaire, tout au moins au début.
L’auteur décrit les activités passionnantes du capitaine Randal à la recherche d’une solution pour pacifier le territoire dont il a la charge. Tout en contraignant les bandes rebelles à abandonner le pays, cet officier réussit à rétablir un climat de calme et de confiance dans la population, condition indispensable à l’application des mesures prévues par l’autorité civile.
Découverte du pays et de ses habitants… Compréhension des ressorts cachés qui déterminent le comportement de ses hommes. Adaptation aux mœurs et aux coutumes des habitants… Mise en confiance des soldats et de la population dont la collaboration étroite – grâce à l’organisation d’un système d’autodéfense – permet le retour à la paix…, tels sont les thèmes des différentes parties de ce récit vivant et coloré.
Totalement différent des livres de guerre habituels, ce roman vécu nous montre un aspect généralement inconnu, par la plupart des Français, de ces combats « qui eurent pour théâtre la Corée, l’Indochine, la Malaisie, qui ensanglantent encore le Kenya, l’Algérie… et qui toucheront bientôt d’autres régions d’Asie, d’Afrique et, qui sait, d’Europe… »
C’est dire l’intérêt actuel d’un tel livre.
Bien qu’il ait pour cadre l’Extrême-Orient, cet ouvrage attire l’attention sur le problème de la pacification : problème capital s’il en est, que les troubles d’Afrique du Nord – ceux d’Algérie en particulier – maintiennent, à l’ordre du jour.
Après plusieurs années de lutte, nous constatons en effet avec effarement que les résultats – que nous étions en droit d’attendre des multiples actions souvent héroïques de nos troupes – ont déçu nos espoirs.
La répétition de résultats semblables en maints endroits durant ces dernières années, nous a conduit à la découverte d’une technique de guerre particulière, technique si précise et si remarquablement mise au point par un adversaire redoutable que l’on se prend à penser que la troisième guerre mondiale est déjà engagée : on ne voit pas en effet pourquoi il y aurait une nouvelle « Grande Guerre », à forme classique ou nucléaire, alors que nous sommes en train de tout perdre et que nous n’aurons plus rien à défendre.
Et il semble qu’après avoir admis l’existence d’une telle guerre, nous entrevoyons mal les possibilités d’une parade efficace.
C’est que – généralement – le problème est mal posé. C’est pourquoi nous menons souvent des combats qui ne constituent qu’une mauvaise réplique à ceux conduits par l’adversaire. Et pendant que notre appareil de combat s’acharne surtout à la destruction des bandes rebelles, l’organisation subversive poursuit, inlassablement et par tous les moyens, son but premier : la conquête du soutien populaire.
Et pourtant nombreux sont les cadres de notre armée qui possèdent – pour les avoir étudiées sur le terrain même et au contact de l’adversaire – une connaissance approfondie de ces techniques révolutionnaires. Un tel acquis devrait permettre l’élaboration d’une véritable riposte, riposte adaptée à la guerre voulue par l’adversaire, c’est-à-dire une guerre idéologique, puisqu’elle cherche à s’emparer de l’esprit des populations.
Conquérir ou reconquérir les populations, tel est donc le problème de la pacification.
Pierre Rolland, dans son livre, a voulu exposer la complexité de ce problème et la méthode qu’il a employée pour le résoudre.
Certes, cet exemple de réussite constitue un cas particulier en lui-même et il faut admettre que les conditions qui ont permis la mise en œuvre d’une parade heureuse aux entreprises des révolutionnaires tiennent à des causes diverses et variées. Cependant une telle expérience permet de déterminer les conditions de base d’une résistance victorieuse à la guerre révolutionnaire. C’est pourquoi au moment où nous recherchons une solution aux troubles provoqués et entretenus par les révolutionnaires algériens, un tel livre apporte des éléments précieux.
Car on oublie trop que si le Sud-Vietnam, le Laos et le Cambodge ne sont pas devenus des républiques démocratiques populaires et si, dans ces pays, la guerre révolutionnaire a échoué, c’est grâce à une adaptation précise des procédés de parade et de riposte aux méthodes de l’adversaire.
Contre guérilla met en relief les principaux enseignements que la campagne d’Indochine nous a apporté et qu’il est nécessaire de mettre dorénavant en exergue dans tous les cas de guerre révolutionnaire :
Une organisation révolutionnaire vise essentiellement – par la crainte (procédés terroristes) et par la persuasion (techniques du moral) – à acquérir l’appui de la population.
La véritable riposte à de tels procédés est celle que pratiquent les habitants eux-mêmes, lorsqu’ils sont groupés dans une organisation d’autodéfense, appuyée par les unités de l’armée.
La reconquête physique et morale des populations est dès lors possible.
C’est dire, en définitive, que ce livre attachant, remarquablement illustré par des photographies qui soutiennent l’exposé, écrit dans un langage sobre et dépouillé de tout artifice, est d’une grande actualité. « Contre-guérilla » apporte en effet des éléments constructifs pour la mise au point d’une parade à la guerre révolutionnaire, « guerre sans nom », comme on l’a appelé car l’adversaire a mis au point l’art de faire des guerres sans les déclarer. ♦